Night Train

Entretien avec le cinéaste

Premier long-métrage de Les Bernstien, Night Train étonne autant par la qualité de sa facture que la richesse de son propos.

On nous y raconte l’histoire de Joe Butcher, ivrogne sortant de prison à la recherche de son frère. Il le retrouvera à Tijuana, au Mexique, mêlé à la production et à la contrebande de snuffs.

Bernstien démontre un réel talent de conteur. Même gorgé d’un humour cru (et parfois absurde) et d’écarts narratifs flagrants (le narrateur meurt en court de route, mais persiste à sa tâche), le récit de son film demeure maîtrisé et son impressionnante structure reste subtile.

Malgré son efficacité, le récit devient vite accessoire dans ce film étant avant tout un étonnant exercice de style, ou de styles, puisque c’est un véritable maelström de citations, de références et de pastiches que le spectateur voit défiler. D’une technique et d’un esthétique stupéfiant, Night Train propose un retour en arrière sur l’histoire du cinéma. Loin d’être gratuite, cette pause contemplative sur les moments forts de l’évolution du 7ème art se veut un hommage à ceux qui ont su, en leur temps, rendre sur pellicule une esthétique singulière et innovatrice. Davantage qu’au cinéphile, c’est à l’historien et au critique que joue Bernstien. Son film se présente comme l’exacerbation de la tendance postmoderne où l’on récupère tout (même la mort des autres dans le snuff) en ne recherchant que le profit et jamais la réussite artistique ou une quelconque intégrité.

C’est sans doute avec amertume que, dans un flash, Bernstien superpose une liasse de billets (salement gagnés) à la devanture d’un cinéma. Night Train dévoile un talent et une capacité de réflexion exceptionnels pour un cinéaste en étant à ses premiers pas. La suite pourrait être brillante.

 

Sébastian Sipat

 

Ce texte a d'abord paru dans la revue Assault