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Le messie
: l'homme et un film... ou bien ni l'un, ni l'autre.
Il n'y a aucune autre manière de débuter une pensée sur Le Messie de William Klein que de se mettre à genoux, tirer une table sous sa poitrine, se pencher, s'auto-flageller le postérieur devant chiliens et chinois révoltés tout en prononçant, solennellement, en amour de Dieu : " Ô! Mon Dieu! ". Oui ! Ô Mon Dieu sur la jouissance que l'on peut retirer du film de Klein / Oui ! Ô Mon Dieu que l'on peut cracher sur le film de Klein, laissant quelques gouttes de salive pendre à notre lèvre inférieure au cas où, pris d'enchantement musical, la masturbation prétentieuse nous passerait à l'esprit. Petite introduction McQuade Haendel composa Messiah au 18ième siècle (1742) - l'oeuvre chante trois épopées de la vie du Christ et livre un message d'espérance au monde entier (ceux pouvant écouter sa musique et non les sourds!). Trois siècles plus tard, un dénommé Klein reprend cette oeuvre, interprétée par les musiciens du Louvre-Grenoble (dirigés par Mike Minkowski), et essaie de repasser le message avec autant de ferveur (pour le résumé, voir le guide du festival). Messiah est fabuleusement interprété par l'orchestre et les solistes (fantastiques). L'œuvre, figurant en entier dans le film, sert ici de fil directif sonore divinement agencé. Alors bon, le film de Klein plaît à l'ouïe, mais qu’en est-il de la forme? On sent un certain vouloir du réalisateur à ré-actualiser les paroles de Messiah avec des images d'actualité (filmées par l'équipe du film ou prises d'archives) donnant à voir un peu de tout des nationalités modernes. Il réussit tout de même bien sur certains points. Lorsqu’on chante que les montagnes s'élèveront, il appose sur la partie de la pièce un long plan-séquence en forte contre-plongée sur d'immenses regroupements de buildings. Justement, ces plans en contre-plongée reviennent souvent lorsque sont montrées la nature ou les constructions de l'homme. Avec son montage (plus particulièrement au début du film), Klein réussit bien à mettre en perspective l'homme et la nature. La force colossale des deux (de hauts rochers/de hauts buildings), la vénération spirituelle de l'homme qui imite les constructions de Dieu. Cette première partie du film (intitulée Nativité) traite de la naissance de l'homme dans cette nature - nous avons droit à plusieurs plans-séquences montrant un soliste presque nu, sur des rochers, chanter l'hymne à Dieu de Haendel. Sa vénération de l'homme est aussi très bien démontrée. Le film ne porte que sur l'homme et ses multiples visages. Que sur l'homme et son entraide, ses entrechoquements mais surtout son amour - son amour du prochain et son amour spirituel qui le guide partout où il existe. Et là tout y passe. Des plans-séquences sur les solistes, sur le monde riche et superficiel de Las Vegas, sur les prisonniers, meurtriers en série, les gens dans la rue, les communautés gaies, les prêtres et archevêques, les Jesus Freaks, les rabbins, les nationalités européennes, etc. Bref, tout le monde y passe, et tout le monde est mis sous un même toit... chapeau! Klein possède une certaine maîtrise de son film, mais semble éprouver de la difficulté à tenir le ballant sans s'engouffrer dans l'énormité gouvernant toute tête enflée pensant utiliser classique pour rendre le film profond et/ou réflexif. Bien sûr, l'audience applaudit, mais pourquoi? Nous avons déjà mentionné les plans-séquences, n'est-ce pas? Eh bien mentionnons-les encore : plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences, plans-séquences. Il y a d'autres sortes de plans mon ami. Je peux t'en montrer si tu veux. Pourtant, nous sommes tous convaincus que Klein les connaît ces plans. En fait, son film souffre du mal du art-freak. C'est-à-dire que son film tente beaucoup trop de donner dans la performance artistique en mélangeant les longues vagues et traînées de la caméra avec la fabuleuse et portante musique d'Haendel. En bref, selon Klein (si l'on se fie à son Messie), montrer de longs plans-séquences de toutes sortes et leur agencer de la musique classique crée automatiquement une oeuvre d’art profonde que tout le monde aimera. Ce qui est malheureux, c'est que ça semble fonctionner! Donc, il ne nous reste plus qu'à filmer notre entourage en plan-séquence, un peu n'importe comment et apposer au tout une des symphonies de notre choix, et voilà le chef-d’oeuvre! D'accord, le film de Klein est plus sophistiqué. Il comporte tout de même des motifs récurrents au niveau du contenu et de la forme apportant une certaine substance. On retrouve entre autres choses au niveau de la construction harmonique (des images et non du son), des crescendos et decrescendo dans le contenu. De l'homme seul dans un désert à la foule compressée au beau milieu de New York, et vice versa. Il réussit à créer pour chaque division de l'oeuvre de Haendel des tempos différents dans le contenu des images. Bien! Mais cela n'est pas suffisant pour soutenir le film. En fait, avec tous ces plans-séquences et ces clichés de boucheries sur du classique (bien souvent utilisé plus efficacement qu’ici), le film ne contient pas assez de matière. Oui, pour chacune des trois parties (Nativité, Passion et Résurrection), Klein tente de traduire ce qui est chanté avec des images. Trop souvent, il y a remplissage. Nous avons donc des images qui se répètent, un nombre incroyables de très longs plans-séquences (et oui, répétons-le) et des choix, ma foi, pas très subtils et parfois confus. Le film se veut un hommage à l'homme et à l'amour de Dieu ; certaines images et leurs agencements ne font que tourner au ridicule ceux y figurant dans leur communion avec Dieu. Voir de jeunes handicapés ne cherchant qu’un remède à leur mal se faire soutirer leur argent pour les miracles de quelconques preachers suscite davantage colère et haine qu’amour et communion, dérogeant ainsi bien souvent au portrait souhaité. Une musique bandante venant des cieux, mais le film manque de substance, ceci même s'il ne perd pas pieds et ne s'épuise pas trop. |