La postmodernité comme renaissance

Le cinéma postmoderne redécouvre des aspects qui lui permettent de se renouveler, loin de rompre avec la période le précédent, il la réutilise, la récupère. On croyait que le cinéma mourrait doucement, mais grâce au métissage des genres et des disciplines, on peut retrouver un art total. De plus, le cinéma n'a plus sa spécificité dans le montage, mais plutôt dans sa possibilité d'être hétérogène et un lieu où tous les arts peuvent converger. Ce travail est fait avec rigueur et ludisme et il soulève des questions dans le rapport entre les disciplines. Il arrive parfois que les réalisateurs adaptent un livre, une pièce de théâtre ou une autre œuvre. Mais, cette méthode requiert une réflexion et une recherche de l'auteur. C'est tout à fait dans cette tendance qu'est traité le film Prospero's books de Peter Greenaway. Il représente la plupart des enjeux postmodernes ce qui fait de cette œuvre un produit interdisciplinaire. Propero's books est un film qui sait exploiter le cinéma, art du temps et de l'espace pour y faire vivre toutes les autres disciplines artistiques. Par la technologie de pointe, il redécouvre les techniques du montage. Les images ne sont pas seulement juxtaposées les unes aux autres, mais elles sont aussi superposées. La complexité de ce film hybride se voit par l'utilisation des différentes méthodes artistiques insérées en différentes couches tout au long de ce spectacle visuel très baroque. Greenaway définit bien le cinéma dans le sens d'art total.

Peter Greenaway

Ce n'est pas que son film qui est interdisciplinaire, Peter Greenaway est aussi un artiste hybride. Depuis 1960, il écrit, souvent non publiés, des romans et des nouvelles dont Fifty-five on Horseback dans lequel chaque page comporte un dessin de sa main. Il organise des expositions dont 100 Objects to Represent the World ; il compose des opéras (Rosa et plus récemment Writing to Vermeer). Cependant, il a avant tout une formation de peintre, c'est pourquoi ses films sont construits en donnant une grande importance à l'image. Après sa sortie de l'école, il s'est " demandé pendant deux ans [s'il] voulait vraiment devenir peintre, c'est pendant cette période [qu'il] a découvert le cinéma. " [1] Il se considère comme un peintre qui travaille dans le cinéma. D'une certaine façon, il utilise sa caméra comme un pinceau qui lui permet de créer une image et d'ajouter les effets cinématographiques. Greenaway " essaie de faire un cinéma référentiel très enraciné culturellement, qui présente des images mûrement conçues, lesquelles fonctionnent sur les plans symbolique et allégorique et qui en même temps présentent un contenu narratif, racontent une histoire. " [2] De plus, il veut " briser la composition traditionnelle [et il imagine] ce que serait le début d'un cubisme cinématographique. " [3] Dans cette approche expérimentale, Greenaway renouvelle le cinéma.

Prospero's books It is the story of Prospero's past and his revenge ...

En 1991, Peter Greenaway réalise le film Prospero's books. Dans l'esprit de la Renaissance, il adapte la pièce The Tempest écrite par William Shakespeare et présentée pour la première fois à la cour en 1611. Cette pièce est la dernière qu'a composée le célèbre dramaturge britannique. Greenaway en fait une relecture et l'adapte aux nouveaux enjeux du cinéma postmoderne, mais tout en restant fidèle au texte. L'histoire peut sembler complexe par l'adaptation que Greenaway en fait, mais elle se résume assez facilement. Prospéro, Duc de Milan, est chassé de son trône avec sa fille Miranda par son frère Antonio. Il les met sur un bateau en espérant que ceux-ci mourront dans le voyage puisqu'il trafique le bateau. L'ami de Prospéro, Gonzalo, lui laisse 24 livres qui contiennent toutes les connaissances accumulées au début du XVII e siècle. Prospéro et sa fille échouent sains et saufs sur une île magique où règne Caliban, un monstre hybride. Par la puissance de ses livres, Prospéro va régner pendant 12 ans sur cette île. Pendant ce temps, il envisage une vengeance et maintient le désir de retrouver son trône en Italie. Mais c'est plutôt vers l'acceptation et la réconciliation que se tournera Prospéro. Le bien va l'emporter sur le mal, c'est le calme après la tempête.

C'est donc dans l'esprit de la pièce The Tempest que Greenaway réalise Prospero's books. En restant fidèle au texte, il garde l'atmosphère de la Renaissance. On y retrouve beaucoup de citations des œuvres peintes à cette période. Aussi, des allusions à la mythologie grecque et biblique. Dans la première scène d'introduction, on distingue des personnages comme Icare, Neptune, Léda ou Moïse. On entend aussi le martèlement d'Héphaïstos. Ces thèmes seront plus détaillés dans chacun des aspects du film.

La démarche de Greenaway dans le film Prospero's books tourne autour des thèmes de l'incommunicabilité et de l'individualisme. L'errance, le vide existentiel, l'apathie, le narcissisme et le désenchantement sont des comportements représentatifs de la période contemporaine. Prospéro est sur son île et il imagine une façon de se venger de son frère. Lorsque l'action imaginée se déroule, c'est Prospéro qui prend toutes les voix des personnages. Il joue tous les rôles pour être certain que l'histoire se déroule comme il le souhaite. Aujourd'hui, l'individu devient plus autonome et doit se tenir à jour pour connaître l'essentiel (voir l'abondance d'information qui nous entoure). Pendant 12 ans, Prospéro acquiert de la puissance grâce à ses livres et de cette façon il pourrait accomplir son rêve de vengeance. Il devient tranquillement autonome pour le jour du jugement. Aussi, il devient plus lucide par ses connaissances et c'est grâce à cette moralité qu'il acceptera la réconciliation plutôt que la vengeance. On peut donc voir l'influence de la morale judéo-chrétienne dans le récit. Plutôt que de répliquer, Prospéro tend l'autre joue et accepte le mal que son frère lui a fait. On retrouve aussi un mélange de réel et d'imaginaire. L'ambiguïté entre les scènes imaginées par Prospéro et celles qui se déroulent vraiment est très difficile à discerner. " Il invente tout et assemble les éléments sous la forme de scénario fantastique qui lui permettra de mener à bien un projet de vengeance et de réconciliation auquel il aspire. " [4] Ce qui est réel, c'est l'écriture du scénario. Bref, cette complexité cinématographique sert à approcher le récit autrement que par sa linéarité.

Aussi, Greenaway joue sur l'idée du double. À la première scène, les serviteurs sortent un miroir de l'eau qui est entouré d'un cadre qui lui donne un effet pictural. L'image reflétée n'est pas celle de Prospéro, mais plutôt celle des naufragés imaginés par Prospéro. En fait, ce miroir est son imaginaire. Dans ce jeu de reflets, on fait face à la dualité qui se retrouve dans tous les hommes comme dans Prospéro ; le réel et l'imaginaire, l'être et le faire, la raison et la passion.

Puis on retrouve aussi un goût pour la connaissance comme chez Pantagruel et Gargantua. Ce désir de posséder le savoir par les 24 volumes est en même temps un désir de puissance. Parallèlement, à notre époque, tout le monde doit être informé et a le devoir d'être à l'affût de toute nouvelle connaissance. On retrouve aisément dans les 24 livres des connaissances et l'encyclopédie de Diderot une esquisse de l'internet et des informations de masse. C'est donc en jouant sur deux périodes (la Renaissance et la postmodernité) que Greenaway construit sa thématique. Cette hybridité se présente sous plusieurs formes dans le film.

Métissage des arts

Architecture et sculpture

Les décors dans le film sont reliés à l'architecture. Puisque l'époque est celle de la Renaissance alors, on retrouve plusieurs aspects décoratifs de cette période. Les colonnes servent à construire l'espace en la délimitant. Greenaway insiste sur un effet de profondeur de champs très éloignée ce qui permet de reproduire la grandeur des pièces du château. Le décor est très complexe, il est difficile de pouvoir s'orienter dans cet espace labyrinthique. Cette atmosphère représente bien l'esprit de la Renaissance. De plus, les personnages secondaires semblent poser comme des statues. En bas des colonnes, le corps et le regard fixes, ces personnages font partie du décor. Greenaway reste fidèle à l'esprit de l'époque où se déroule la pièce en utilisant l'architecture et la sculpture dans ses décors.

Littérature

Difficilement dissociables, la littérature et le théâtre sont des aspects majeurs dans ce film. Tout d'abord, il y a l'importance des mots. L'acteur joue avec la sonorité et parfois il les déforme. Les mots sont cadrés en gros plan pour montrer l'importance du texte et pour rappeler au spectateur qu'il est devant l'imaginaire de Prospéro. Ces mots et ces phrases viennent des livres et du texte qui donnent la puissance à Prospéro. Il invente l'histoire en écrivant ces mots qui sont le monde imaginaire qu'il se construit. De cette façon, il crée l'histoire, c'est à dire la tempête. Et cette tempête, c'est celle de Shakespeare. Le film ne se dissocie pas de la littérature puisqu'il fait constamment référence à la pièce originale. Et, c'est l'écriture de Prospéro qui alimente l'image. C'est à partir du texte de Prospéro que l'on peut faire avancer l'action. Avec sa plume qui lui sert de baguette magique, il marque la page et laisse sa trace. L'encre et la plume de Prospéro font naître l'image puisque le film est basé sur une histoire qui se manifeste au fur et à mesure qu'il la compose. " La plume de Prospéro est son arme suprême. " [5] La calligraphie est maîtrisée comme un art de l'écriture où se reflètent ses sentiments. Avec cette technique, il rend hommage aux moines copistes du Moyen Âge. De cette façon, il souligne qu'il a dû lui aussi apprendre avec rigueur cet art de l'écriture. " Ce phénomène de l'écriture manuscrite, la marque lisible du corps sur la page, cette marque individuelle intéresse vivement Greenaway et à travers le tracé des lettres et des mots, il retrouve la richesse graphique et charge dramatique du texte dans lequel il puise les images. " [6] Ce journal des pensées intimes de Prospéro fait partie des 24 livres des connaissances qui sont en fait " la somme des connaissances accumulées au début du XVIIe siècle " [7]. Grâce à ses 24 livres, Prospéro a tout appris et il a pu régner sur l'île pendant 12 ans. Ces livres vont être détruits sauf celui de la Tempête, pour que l'histoire puisse se terminer. Le film débute par un gros plan des mots et se termine sur la fermeture du livre. La boucle est bouclée, les événements sont entrés dans l'ordre.

Théâtre

Pour ce qui est du théâtre, on retrouve dès les premières minutes du film une mise en scène qui rend hommage à la pièce. La première scène d'introduction est suivie d'un plan sans coupe d'une durée de près de 4 minutes. Les acteurs du film ont une formation de théâtre. C'est un grand avantage lors du tournage des plans-séquences. Grâce à la formation des comédiens, Greenaway peut se permettre une mise en scène plus élaborée où les acteurs peuvent jouer pendant plusieurs minutes sans pause. De plus, puisque Prospéro fait toutes les voix, les acteurs n'ont pas besoin de parler anglais pour jouer dans le film. Alors, les comédiens sont choisis en fonction de leurs attributs physiques et leur talent. " Ainsi des acrobates, des danseurs, des plongeurs de langue étrangère [peuvent] être employés. " [8] Le personnage de Caliban se démarque par exemple par son talent de danseur et sa souplesse.

De plus, lors des plans statiques, la caméra filme l'action en plan d'ensemble. Ce point de vue se rapproche de celui du spectateur au théâtre. Le décor est composé comme sur une scène et Greenaway offre une vue d'ensemble pour permettre à tous les spectateurs de bien voir l'action. Il arrive qu'il fasse des clins d'œils au théâtre par l'utilisation d'éléments théâtraux comme les rideaux, le jeu des acteurs, les costumes, composition des décors, les dialogues, la mise en scène et le rassemblement des personnages à la fin du film. Il est donc clair que Greenaway reste fidèle à l'ambiance théâtrale de la pièce écrite en 1611 par Shakespeare. Prospero's books n'existerait pas sans cette dernière pièce du célèbre dramaturge. À sa façon, le réalisateur rend hommage au texte et au théâtre.

Sons, musique et danse

Comme dans la plupart des films de Greenaway, la musique (de Michael Nyman) prend également une place importante dans le film. Elle rythme l'action et donne une ambiance encore plus baroque. L'introduction d'une musique envoûtante dès les premières minutes du film ajoute une atmosphère au récit. La musique rythmée et répétitive s'ajoute à la texture sonore de plus en plus complexe. On entend des cris d'animaux, des martèlements, des voix, des bruits, le tonnerre, des gouttes d'eau et en plus la musique s'infiltre aux différentes épaisseurs de sons. Aussi, Prospéro utilise l'écho pour multiplier sa voix et jouer avec les différentes sonorités des mots. Il change légèrement la tonalité de sa voix pour la prêter aux différents personnages. Avec l'écho, on a l'impression qu'il y a plusieurs personnes qui parlent en même temps. Puis, on peut entendre Ariel, le petit chérubin, chanter l'opéra. À la musique vient se superposer la danse. Ce mode d'expression est celui de Caliban. Les chorégraphies du personnage sont comme un rituel. La danse gestuelle est une sorte de langage universel produit par le corps. Donc, Greenaway intègre aussi à son film ces arts plus différents du cinéma, mais qui ont une grande utilité dans le film puisqu'ils servent à s'exprimer.

Peinture et cinéma

Puis, la peinture qui est en quelque sorte l'art se rapprochant le plus du cinéma. Selon André Bazin, théoricien du cinéma, " pour utiliser la peinture, le cinéma la trahit et cela sur tous les plans " [9]. Mais, ce n'est pas du tout ce que fait Greenaway. Au contraire, il se sert de la peinture comme source d'inspiration. Bien sûr, il cite quelques tableaux comme la Naissance de Vénus de Botticelli ou La Moisson de Brueghel. Mais en général, c'est plutôt l'ambiance de la peinture qu'il recherche. Il joue avec l'éclairage pour créer des clairs-obscurs. Les plans sont composés comme dans un tableau. Il utilise la symétrie et la perspective comme le faisaient les peintres de la Renaissance. D'ailleurs, Greenaway est très influencé par la peinture de cette période. Il utilise des nus ou des personnages vêtus de drapés. Souvent, on retrouve des similitudes dans la position de ses personnages. " Greenaway déploie dans son film la densité visuelle, la plastique et le mouvement d'un grand tableau maniériste " [10]. Il cite comme tous les peintres de l'histoire de la peinture. Ils ont emprunté et ont été influencés par les artistes précédents. " Il sait que toute l'histoire de la peinture est faite d'emprunts, de reprises, de citations, de références aux œuvres du passé et il puise dans ce creuset, dans cette immense encyclopédie pour nourrir son cinéma " [11]. De plus, il utilise le cadre du tableau pour créer des effets visuels. Les plans sont pensés et composés comme des tableaux, mais le cinéma ajoute la possibilité de diriger le regard du spectateur dans l'espace. De plus, il est clair que le film est influencé par le style baroque par le côté chargé et la densité des actions. Avec la profondeur de champ, le réalisateur peut ajouter les différentes scènes d'action décalées sur plusieurs niveaux. Le spectateur a la possibilité de choisir ce qu'il veut regarder mais en déplaçant la caméra, Greenaway délimite l'espace sur un horizon qui s'étend presque à l'infini. Il permet à l'action de se poursuivre hors du cadre qu'imposait la peinture. Le travelling apporte un côté très différent de l'univers statique de la toile. Les mouvements de caméra repoussent les limites du cadre en explorant l'espace. Cela ajoute de l'intensité aux différentes couches d'action superposées. En fait, le film est construit comme un palimpseste puisqu'il comporte plusieurs couches d'images simultanées. De cette façon, " le mouvement implique qu'un film n'est pas un tableau. " [12] Le plan peut être construit et pensé comme un tableau, mais il sera toujours différent de la peinture par la " disjonction accentuée entre le mouvement du plan et l'immobilité du tableau " [13]. De plus, " Greenaway investit le cadre d'une fonction déterminante telle que Roland Barthes la définit dans ses écrits sur la représentation : dans ce "rectangle découpé", il voit "la condition pour penser le cinéma" comme la scène est la condition pour penser le théâtre " [14].

Il est clair que le film Prospero's books est très marqué par la peinture. La prolifération d'images cadrées et recadrées apporte au film un style très baroque. Greenaway va même jusqu'à insérer ses propres dessins, peintures et collages dans le film lorsqu'il présente la couverture de chacun des livres. Bref, le film est en quelque sorte une toile animée grâce au mouvement cinétique

Enfin, le film Prospero's books est un objet artistique en lui-même. Cet objet cinématographique est difficilement classable dans un genre particulier. Il fait partie d'une tendance expérimentale. Tout à fait postmoderne par son interdisciplinarité avec les autres arts, ce film rend bien la véritable définition du cinéma comme un art total. Peter Greenaway exploite au maximum les différents moyens d'expression et les rassemble dans un film grandiose. De plus, il ne se contente pas d'utiliser une thématique postmoderne. Il adapte le film avec des éléments de toutes les époques de l'Antiquité en passant par le Baroque. Aussi, il cite des artistes qu'il apprécie par leur style et leur talent, que ce soit les dessins de Léonard de Vinci ou le clair-obscur de Caravage. Bref, Greenaway exploite l'art cinématographique en redécouvrant toutes ses spécificités que ce soit par le montage des images juxtaposées et superposées, le métissage des genres ou par l'optimisation du cinéma comme un art du temps et de l'espace.

 

1 - PILARD, Philippe, "Peinture et cinéma", Positif, n.363, mai 1991, p.23

2 - Idem, p.26

3 - Idem, p.27

4 - Idem, p.29

5 - BERTHIN-SCAILLET, Agnès. «Comment cadrer le cinéma de Peter Greenaway», L'Avant-Scène cinéma, décembre 1992 et janvier 1993, no.417-418, p.112.

6 - Idem, p.109.

7 - Idem, p99.

8 - PILARD, Philippe, "Peinture et cinéma", Positif, n.363, p.29

9 - BAZIN, André, Qu'est-ce que le cinéma ?, Paris, les Éditions du Cerf, 1997, p.187.

10 - BERTHIN-SCAILLET, Agnès. «Comment cadrer le cinéma de Peter Greenaway», L'Avant-Scène cinéma, décembre 1992 et janvier 1993, no.417-418, p.112.

11 - Idem, p.113.

12 - BONITZER, Pascal, Décadrages, Paris, Éd. de l'Étoile, 1995, p.29

13 - Idem, p.30

14 - BERTHIN-SCAILLET, Agnès. «Comment cadrer le cinéma de Peter Greenaway», L'Avant-Scène cinéma, décembre 1992 et janvier 1993, no.417-418, p.117. [citant Roland Barthes, « L’obvie et l’obtus »]