Surprise International Film
Festival - Taichung (Taiwan)

22-28 avril 2000

Small Changes

Parmi tous les films en compétition, le film allemand Small Change de Marc-Andreas Bochert est celui qui a eu le plus d'impact auprès du jury, qui n'a d'ailleurs pas hésité à lui décerner le prix du meilleur-court métrage de fiction. Le thème du film n'a pourtant rien d'original (la rencontre entre un homme d'affaire et un clochard). Toutefois, le style visuel sobre et les éléments sonores enrichissent subtilement le propos du film et mettent grandement en valeur le jeu des deux principaux acteurs. Il en résulte un film touchant et intelligent sur les exclus, les capitalistes et l'anonymat des grandes villes.

Dès le début du film, on amène progressivement le sujet: un homme d'affaire au volant de sa voiture jette un coup d'œil pensif sur ce clochard handicapé, au coin de la rue. Sur les vitres de sa voiture défile le reflet des tours à bureaux berlinoises. L'homme d'affaire travaille dans l'une d'elles. Des répétitions soulignent l'aspect routinier de sa vie: les courtes conversations avec un collègue et une secrétaire, la sonnerie d'un téléphone cellulaire ou les allers/retours entre le stationnement et son bureau. Le personnage dans son bureau vitré est lié métaphoriquement au poisson dans l'aquarium, parfois en avant-plan. Un espace clos où il peut être à la fois coupé du monde et en être le spectateur. C'est ainsi qu'il aperçoit, du haut de l'édifice, le clochard qu'il avait rencontré à quelques reprises et à qui il avait donné quelques pièces de monnaie. Ce clochard donc, s'est mis en tête de laver la voiture de ce riche inconnu tous les jours dans l'espoir que celui-ci lui donne une commission quotidienne.

Il ne s'agit pas d'un conte de fée. D'un conte moral, peut-être. Un soir, l'homme d'affaire n'a pas de petite monnaie et tente d'éviter sa donation quotidienne. Essoufflé par sa course, il démarre sa voiture et frappe accidentellement le clochard. Celui-ci réussit à se relever, mais n'a droit à aucune excuse de la part du chauffeur. Le lien est donc brisé et le clochard réintégrera la foule anonyme qui défile quotidiennement devant l'homme d'affaire, au volant de sa voiture.

C'est un film tout en regards, en gestes. La caméra est constamment près de l'émotion et transmet intelligemment le sentiment des personnages, que ce soit par le zoom (lorsque le personnage voit le clochard du haut de sa fenêtre pour la première fois) ou le changement de foyer (la scène finale où le clochard est situé en avant-plan et où seuls les pieds de l'homme d'affaire entrent dans le cadre). L'utilisation de la musique sert à accentuer, sans surcharger, les étapes de la progression de la relation. Small Change est donc un film très humain sur la responsabilité sociale tout en étant très accessible.

 

Rhéa Jean