Surprise
International Film
Festival - Taichung (Taiwan)
22-28
avril 2000
Pour sa quatrième
édition, le festival international de courts-métrages Surprise de Taichung
(Taiwan) a choisi d'honorer le cinéma canadien. Une vingtaine de films
expérimentaux (Wieland, Gallagher, Rimmer,…), un hommage au cinéaste québécois
André Leduc, quelques films de l'Université de Colombie-Britannique, en
plus des forums où la question de la production de courts-métrages au
Canada a souvent été abordée. Le jeune festival présentait également 101
courts-métrages en compétition, 15 pour la section Animation et
86 pour la section Fiction. Malgré une sélection un peu trop indulgente,
on a eu droit à quelques petits bijoux provenant principalement d'Allemagne,
de Grande-Bretagne et d'Israël. Dommage que le public ne se soit pas pressé
dans la salle de projection…
Bien sur,
un festival de courts-métrages attire rarement les foules, que ce soit
en Europe ou en Amérique. Alors, s'il est situé à Taiwan, qui plus est
à l'extérieur de la métropole (Taipei), plusieurs problèmes viennent s'ajouter:
l'absence de sous-titres chinois et le manque d'intérêts des Taiwanais
en général pour le cinéma non commercial (phénomène compréhensible pour
une jeune démocratie gavée de produits américains et dont le gouvernement
accorde peu d'importance à l'aide aux artistes et aux événements culturels
tel qu'un festival de ce type) constituent probablement les raisons majeures.
Toutefois, le fait que ce festival en soit à sa quatrième édition ne prouve-t-il
pas qu'il se fait petit à petit une place parmi les festivals de cinéma
en Asie (Surprise constitue le seul à être spécialisé dans les courts
métrages dans cette région du monde)? Espérons que oui et qu'il nous réservera
d'autres belles surprises.
Parmi celles
de cette année, notons le film Pleasure of War de Ruth Lingford
(Royaume-Uni) qui ouvrait la compétition dans la section animation. Inspiré
par le style expressionniste allemand des années '40 [1],
le film juxtapose des images figuratives de la guerre à un dessin au contour
ombragé. À travers la cruauté des images, une superbe scène érotique
apporte une bouffée de poésie visuelle, scène qui finira elle aussi
dans le sang. À l'opposé, le film We Are the Greatest de
Silvia Ehl (Allemagne) séduisait par son approche naïve, légère et planante
sur le thème de l'amour. Pour ce qui est de Lazy Sunday Afternoon
de Bert Gottschalk (Allemagne), malgré son utilisation de quelques bons
gags visuels d'attente et de répétition, il se cantonnait un peu trop
dans les références à Sergio Leone. Par ailleurs, notons que quatre films
québécois étaient en compétition, dont En revenant du Congo de
Francis Desharnais (dynamique et bien rythmé) et Robots Romance,
de Frédéric Tremblay, dont les symboliques sur la "face" semblent avoir
touché le public taiwanais.
Du côté de
la section Fiction, on a eu droit a des films fort diversifiés,
autant en qualité qu'en genre. De Belgique, Bathyscaphe, a Narrow Escape
de Fredo Merto et Philmarie constitue l'un des plus original de la programmation,
le film se déroulant presque entièrement dans le noir. Le film tient le
spectateur en haleine grâce aux dialogues percutants, mais aurait certainement
bénéficié d'une plus grande recherche sonore. Le
Royaume-Uni a présenté cette année une belle brochette de courts métrages.
Deux films de Joe Tunmer étaient en compétition et démontraient le bel
imaginaire du cinéaste: Something to Remember Me by est l'histoire
d'une fillette en deuil (la scène où elle fabrique un "cœur" en ressort
comme la plus marquante) et Lose Your Face Again est la tragi-comique
histoire d'un homme dont le corps devient un Polaroïd prenant en photo
la face cachée des gens. Nail Biter de Ellot Kew est l'histoire
d'un garçon qui développe une étrange manie (se ronger les ongles constamment)
en réaction à l'attitude sévère de son père. Cette comédie grinçante possède
un univers sonore intéressant (répétitions de certains sons) et un montage
intelligent (la scène où la mère coupe les carottes, associées aux doigts
du garçon, est une des plus fortes). Le montage est également fort bien
rythmé dans un autre film du Royaume-Uni, Inside-out de Tom & Charles
Guard, qui dépeint la rencontre entre un sondeur malchanceux et une décoratrice
de vitrine de magasin en employant brillamment des éléments du burlesque
tels que l'attente, l'utilisation incongrue d'objets (ainsi, un banc de
rue est utilisé comme un oreiller) et le quiproquo (la scène finale où
les deux personnages se cherchent mutuellement). Ce qui est intéressant,
c'est non seulement le rythme du montage des plans, mais également le
montage dans la composition même des plans par l'utilisation de caches
tels que les gélatines et les mannequins utilisés par la décoratrice.
Enfin, le charme des deux interprètes ajoute au plaisir de visionner ce
film dont la thématique est justement la relation spectateur/acteur.
Parmi les
pays qui ont bien tenu la course, l'Allemagne arrive en tête de classement.
Le film Small Change, dès les premiers plans, a retenu l'attention
du public et du jury par la beauté sobre de son style. Plus hermétique,
Sleeper de Nicolai Rohde est toutefois le plus sensuel de la programmation:
la scène où la jeune femme dort dans son lit pendant que l'homme s'avance
vers elle, déplace puis replace sa couverture, est d'une grande beauté.
Red is Red is Red de Martina Caba Bal se moque quant à lui joyeusement
de la droiture légendaire des Allemands concernant la circulation routière.
Par ailleurs, les films provenant d'Israël se penchaient sur la confrontation
entre le judaïsme et la modernité et sur le souvenir de l'holocauste a
travers les relations hommes/femmes, sujet récurrent dans les films provenant
de ce pays. Ainsi, dans le touchant Sabbath de Gili Goan, une femme
quitte son mari le jour du sabbat en prenant la voiture (ce qui est interdit
par le judaïsme) alors que dans Babcha de Micky Zilberstein, on
relate l'holocauste dans un cruising bar. Ainsi, au festival Surprise,
il y a eu de la place autant pour la légèreté et l'humour facile que pour
les sujets plus profonds, critiquant la société contemporaine ou celle
d'hier.
GAGNANTS
Animation
Meilleur film: Pleasure of War, Ruth Lingford, R-U.
Fiction Meilleur film: Small Change, Marc-Andreas Bochert, Allemagne.
Meilleur montage: Inside-out, Tom & Charles Guard, R-U.
Rhéa
Jean
1. Je tiens
à remercier Francis Desharnais pour cette information.
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