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Le 6 octobre 1927, The Jazz Singer est projeté sur les écrans pour la première fois. Ce film chantant, le premier, bouleverse l’industrie. Les dirigeants des studios ne croient pas à la longue vie des talkies. Ces derniers trouvent que les films muets sont déjà complets et ne nécessitent pas de son pour les agrémenter. Toutefois, on se rend rapidement compte qu’ils sont là pour rester. Les exhibiteurs doivent s’équiper d’une technologie capable de projeter les images et le son de façon simultanée. Ces mêmes compagnies (rappelons-nous qu’elles évoluent dans un système vertical) doivent s’adapter au niveau de la production. La MPPDA (Motion Picture Producers and Distributers of America) instaure un système de taxation sur le doublage de films à l’étranger avec l’arrivée du parlant. Non seulement ces nouvelles procédures exigent un changement de l’approche financière, mais nécessitent également une adaptation de l’écriture et de la réalisation. Désormais, on doit être certain que le discours parlé n’est pas offensant, et surtout, on doit éviter que certains bureaux de censure locale ne soient susceptibles d’éveiller les censeurs un peu partout. Hays réagit à la situation en présentant un code intitulé Don’ts and Be Carefulls. Il s’agit d’une charte indiquant aux studios onze sujets qu’ils doivent éviter et vingt-six autres auxquels ils doivent faire attention. On y retrouve des thèmes tels la profanation, la nudité, les drogues, les perversions sexuelles, les relations interraciales, l’hygiène sexuelle, les scènes d’accouchement, les organes sexuels des enfants, la ridiculisation du clergé et toute offense envers une race ou une nation. Les films sont soumis à un comité qui en examine le contenu. Les modifications suggérées ne sont toutefois pas renforcées par ledit comité. Effectivement, le verdict reste ignoré par la plupart des studios puisque tout comme dans le cas des Thirteen Points or Standards , il n’y a pas d’organisme qui oblige les producteurs à se plier au code. La concurrence entre les maisons de production étant de plus en plus féroce, on tente de rejoindre l’auditoire par tous les moyens possible et on n’hésite pas à enfreindre le nouveau code. Les studios sont très conscients que le crime et la sexualité sont des recettes gagnantes au box-office. Officiellement, Hays fait respecter le code dans le but de préserver les valeurs morales chrétiennes sur les écrans. Toutefois, la véritable raison est pour garder un contrôle au niveau du contenu des films, et surtout l’autonomie de l’industrie vis-à-vis des pouvoirs décisionnels externes. De par ce processus, Hays satisfait les lobbys religieux, calme le Sénat qui veut impliquer l’État dans l’industrie filmique, et profite de l’occasion pour homogénéiser le produit hollywoodien. Avec l’uniformisation de la production, les films n’ont plus à être réédités dans les nouveaux marchés, les studios peuvent ainsi économiser beaucoup d’argent. Ces mesures stabilisent l’industrie dans ses rapports avec le reste de la planète. Toutefois, la fin des années folles, la grande dépression et le bouillonnement politique en Europe sont de nouvelles conditions auxquelles Hays doit s’adapter. Le « Pre-Code Era » : 1930-1934 En 1929, moins de deux ans après la sortie de The Jazz Singer, les studios produisent suffisamment de films parlants pour que les Don’ts and Be Carefulls soient considérés désuets. Des films muets sont encore produits, mais en quantité moindres que les talkies. En 1930, 95 % des films produits sont des films parlants. La parole offre plus de possibilités narratives auxquelles le code ne s’applique pas, mais alourdit le coût de la réédition. Les coupures, le charcutage et le montage engendrent une désynchronisation visuelle et sonore puisqu’à l’époque, la bande son et la bande image sont séparées. Hays commande le Production Code. Les deux principaux architectes du Production Code sont Martin Quigley et Daniel Lord. Martin Quigley est un critique de cinéma américain qui fonde l’hebdomadaire Exhibitors Herald en 1915. Ce journal se consacre à l’industrie cinématographique et sera fusionné à deux autres hebdomadaires majeurs (Moving Picture World et Motion Picture News) en 1930. Toujours sous la direction de Quigley, ce nouvel hebdomadaire prend le nom de Motion Picture Herald. En ayant couvert Hollywood pendant près de quinze ans, Quigley bénéficie d’une relation privilégiée avec les moguls et c’est avec leur confiance qu’il entame le projet du Production Code. Son collaborateur est Daniel A. Lord, un écrivain catholique. Ordonné prêtre jésuite en 1923, il collabore de temps à autre avec Hollywood comme consultant – notamment pour King of Kings de Cecil B. de Mille en 1927. Alarmé par la venue du parlant, il commence à travailler à l’élaboration du Production Code dès 1929. Le texte est profondément influencé par la doctrine catholique et librement inspiré des dix commandements. En termes généraux, le Production Code applique les bases judéo-chrétiennes lorsqu’il juge les films. Un film ne doit pas faire :
Conformément au code, au terme d’un film les coupables sont punis, les vertueux sont récompensés, l’autorité de l’Église et de l’État est légitimée et les liens du mariage sont respectés. Cependant, en ayant recours à cette technique, les spectateurs sont tout de même exposés à des éléments subversifs. « Yet, as with Capra’s films, critics and censors may at times have given too much weight to endings which, for audiences, do not, or did not, suppress and resolve the "problems" raised earlier. » Nous pouvons remarquer cette lacune en lisant l’introduction du Production Code. Selon le préambule, la mission de l’industrie est :
Le Production Code est mis en place par la MPPDA afin d’écarter la menace d’une censure étatique. Il s’agit également d’un coup de publicité voulant rassurer la population et les groupes de pression. On veut les convaincre qu’Hollywood produit une source de divertissement de bon goût. On tente d’éclipser l’image négative dégagée au cours des années 20. Adopté à l’unanimité en février 1930, le Production Code est la ligne directrice officielle de la MPPDA dès le 31 mars 1930. Le Studio Relations Committee est l’instance qui s’assure que les studios respectent le code. Notons que le caractère contraignant du code demeure très relatif puisque les studios peuvent faire appel des décisions de Jason Joy et de son équipe (l’homme à la tête du Production Code de 1930 à 1932, auquel James Wingate succèdera jusqu’en 1934) devant l’Appeal Board, un comité tournant de trois producteurs. La rotation des places incite les membres du jury à donner souvent raison au producteur étant donné que ce dernier peut être celui qui les jugera dans un avenir plus ou moins rapproché. Dans l’exercice de la négociation, Joy concède quelques points aux studios, ce qui occasionne certains problèmes lors de la sortie des films en salle. Les lobbys ne connaissent pas le cheminement fait depuis le scénario original et considèrent que le système de censure laisse à désirer. En 1931, Hays fait voter l’examen obligatoire des scénarios avant le début de la production, mais l’impact reste minime en raison du fonctionnement de l’Appeal Board. Le 24 octobre 1929, la Bourse de New York s’effondre. L’impact premier du Krach est de rendre la situation économique personnelle de l’Américain moyen très précaire. Le taux de population active diminue considérablement, sans compter que le nombre de faillites personnelles atteint des niveaux jamais vus auparavant. Le petit prolétaire ne vit plus dans l’abondance des années folles et n’a plus les moyens de fréquenter les salles de cinéma aussi régulièrement qu’avant. Pour Hollywood, l’impact de la dépression se fait véritablement sentir au cours de l’année 1932. Afin d’endiguer ce fléau commercial, les studios misent sur deux valeurs sûres, soit le sexe et la violence (tous les deux réprimés par le Production Code). Avec des films à succès sur les gangsters et les femmes déchues , Hollywood suscite une fois de plus une vague de censure fédérale.
La droite conservatrice – notons l’Église catholique, les Boys Scouts of America et les organisations féminines – surveille Hays à savoir s’il sera en mesure de nettoyer les écrans américains. Ces divers groupes s’inquiètent du message véhiculé par les studios parce qu’ils considèrent que la portée du cinéma est plus élargie que les médias comme le théâtre et la littérature. Ils sont principalement concernés par les spectateurs en bas âge qui sont encore très influençables.
Entre 1929 et 1932, le Payne Fund (une fondation privée) subventionne une série de treize études afin d’examiner l’impact des films sur le spectateur. Ces recherches témoignent qu’il y a un impact sur les enfants qui assistent à une projection cinématographique. L’enfant est affecté au niveau de son apprentissage , et de son comportement. Ces effets sont cumulés et persistent à travers le temps.
Dans son ouvrage The Wages of Sin : Censorship and the Fallen Woman Film, Lea Jacobs souligne l’impact de la diffusion de l’« American Way of Life » sur le spectateur:
Les effets encore inconnus du cinéma (rappelons qu’il s’agit d’une nouvelle technologie à l’époque) sur la génération à venir effraient les adultes et les chercheurs. Selon Lowery et De Fleur, des critiques du Payne Fund Study, les tests effectués manquaient de rigueur au niveau de l’échantillonnage des groupes étudiés. L’aspect subjectif de l’étude et les limitations technologiques auraient faussé les résultats. Toutefois, pour la population, ces résultats sont suffisants pour confirmer l’influence négative du cinéma sur les enfants. La croyance populaire est que les films commerciaux peuvent pervertir le spectateur et instaurer de fausses croyances vis-à-vis des questions sociales telles la guerre, la prohibition, le crime, la réprimande de criminels ainsi que les stéréotypes raciaux. Même si Hays a déjà élaboré le Motion Picture Code en 1930, le clergé est concerné par l’inefficacité de la MPPDA lorsqu’il s’agit de contrôler le discours véhiculé par le cinéma hollywoodien. Comme nous l’avons déjà mentionné, le Production Code est davantage un organisme qui donne des avis, sans posséder de véritable emprise sur les studios. Il remplit plutôt le mandat d’organisme conseil.
En réponse à un cri d’alarme lancé par le délégué apostolique Amleto Cicognani à l’assemblée de la charité catholique de New York de 1933, cette dernière fonde le Catholic Legion of Decency. Cicognani clame qu’une purification du cinéma est nécessaire pour éviter « le massacre de l’innocence de la jeunesse américaine ». Le Catholic Legion of Decency change son nom pour le National Legion of Decency au cours de la même année parce que le mouvement s’élargit et inclut désormais les juifs et les protestants. Les membres prêtent serment à l’unisson dans les assemblées du dimanche, aux rencontres des Chevaliers de Colomb et dans les assemblées scolaires paroissiales. Le serment se lit comme suit :
Grâce à leur importance au sein de la population américaine et auprès du gouvernement, les lobbys religieux ont un poids suffisant pour faire réagir Hays à leur avantage. En 1934, Le Legion of Decency représente neuf millions de membres à travers les États-Unis (la population américaine est alors de 120 millions). De plus, une grande partie des recettes provient de marchés où le nombre d’adhérents à la religion catholique est considérable (notons Chicago et New York). Le Legion of Decency crée son propre bureau de censure, indépendant du Production Code. Ses critères diffèrent très peu de ce dernier, mais puisqu’il ne partage pas les mêmes intérêts économiques, il n’hésite pas à mettre de la pression sur les studios. Son système de classement se nomme le Green Card, où les films sont classés en trois catégories (A : Morally unobjectionable, B : Morally objectionable in part et C : Comdemned by the Legion of Decency). Les films classés A sont ensuite subdivisés en quatre catégories (A-I : suitable for all audiences, A-II : for adults and adolescents, A-III : for adults only et A-IV : for adults with reservation). Une technique que prônent les hautes instances cléricales pour renforcer le Green Card est d’utiliser les curés comme moyen de pression auprès des paroissiens. Lorsque le Legion of Decency émet un décret d’interdiction sur un film hollywoodien , il incite les curés à en parler pendant la messe du dimanche. Par la suite, ces derniers s’installent devant les salles de cinéma aux heures d’achalandage et prennent en note le nom des individus qui ignorent le décret et se risquent à visionner les films interdits par le clergé. Nul besoin de mentionner que la menace de la réprobation publique à l’église est suffisante pour enlever le goût aux paroissiens de fréquenter cet « endroit du vice ». Le clergé catholique possède désormais son propre système de classification — le Legion of Decency — et les distributeurs doivent s’y conformer, faute de quoi la fréquentation diminue dramatiquement. Au cours des années 1933 et 1934, le Legion of Decency condamne treize films allant à l’encontre des dogmes de l’Église catholique (adultère, divorce, violence, sexualité) : Blood Money (Rowland Brown, 1933), Design for Living (Ernst Lubitsch, 1933), Grandeur and Decadence (Jacques Natanson, 1933), Queen Christina (Rouben Mamoulian, 1933), The Worst Woman in Paris (Monta Bell, 1933), Finishing School (George Nichols Jr. & Wanda Tuchock, 1934) , The Life of Vergie Winters (Alfred Santell, 1934), Madame Dubarry (William Dieterle, 1934), Men in White (Richard Boleslawski, 1934), One More River (James Whale, 1934), Riptide (Edmund Goulding, 1934) et The Scarlet Empress (Josef Von Sternberg, 1934). Notons que les cotes données par le Legion of Decency ne sont pas toujours le reflet du contenu cinématographique. Wajan, Son of the Witch (Gdeh Ray et Walter Spies, 1933) en est un bon exemple.
Devant cette pression, l’industrie du cinéma répond avec la création du Production Code Administration:
Il va sans dire qu’il est dans l’intérêt d’Hollywood que le clergé catholique ne soit pas offusqué de la gestion de son industrie cinématographique et surtout que la censure ne provienne pas d’une instance autre que la MPPDA. En 1934, Hays abolit le Studio Relations Committee et instaure le Production Code Administration, plus connu sous le nom du Hays Office. La création de la Production Code Administration Le 15 juin 1934, le Studio Relations Committee est remplacé par le Production Code Administration. Joseph Breen est maintenant à la tête de ce dernier. Joseph I. Breen est un catholique irlandais victorien. Avant d’occuper ses fonctions à la tête du PCA, il était commissaire outre-mer pour le « National Catholic Welfare Conference » et avait également occupé le poste de directeur des relations publiques pour la Peabody Coal Company. Lors de son embauche, Hays lui donne le mandat de négocier une entente avec les autorités catholiques : « the Catholic authorities can have anything they want. » Breen est très estimé des officiels de l’Église catholique, notamment auprès de l’évêque John Cantwell et du cardinal Mundelein. Ces derniers le voient comme la taupe catholique au coeur de la cité du vice. Reconnu pour son caractère fort, il est en mesure de tenir tête aux Moguls lorsque vient le temps de défendre le code auprès de ces derniers.
Le Production Code offre des paramètres très précis. Dans son élaboration, Daniel Lord y a même inclus une liste de mots qui ne peuvent être prononcés à l’écran.
Pourtant, malgré sa constitution détaillée, certains scénaristes à Hollywood tentent de défier Breen et de contourner le code. Non seulement ce dernier tente de dégager les écrans de toute immoralité, mais il se fait un devoir de promouvoir les vertus catholiques. Lorsqu’un producteur trouve une zone grise dans le code et tente de l’exploiter, Breen ne se gêne pas pour condamner ces autres possibilités en criant haut et fort : « I am the code! » Bien que Breen prend une place importance dans l’application des règles du Production Code, Hays n’est pas écarté du processus de sélection pour autant. Effectivement, des écrivains/scénaristes communiquent directement avec ce dernier pour présenter plusieurs de leurs projets. Selon Goeringer, Breen trouverait ses motivations dans ses profondes valeurs catholiques, mais également dans des sentiments antisémites marqués.
Dorénavant, les causes en appel sont entendues par les membres du conseil de la MPPDA situé à New York, et non par un jury de pairs situé à Hollywood (Breen fait partie de ce comité d’appel). Non seulement la position du Hays Office est renforcée, mais on élimine également les verdicts cléments des producteurs les uns envers les autres. Breen accentue son pouvoir en s’alliant à A. H. Giannini, président de la Bank of America. Giannini avise les moguls que ses banques ne financeront plus de films réprimandés par les catholiques. Un système où le distributeur reçoit une amende de 25,000 $ lorsqu’il projette un film n’arborant pas le sceau d’approbation du PCA est mis en place. On interdit aux distributeurs membres de la MPPDA de distribuer un film non sanctionné dudit sceau. Étant donné que la majorité des postes de distribution font partie de la MPPDA, il s’agit d’un suicide commercial pour les producteurs du Big Eight de sortir un film ne remplissant pas ces conditions. La part des autres réseaux de diffusion est si minime, que les films qui y sont distribués ne procurent pas de revenus suffisants pour essuyer les coûts de production. Les lobbys religieux continuent de donner des cotes aux films, qui sont souvent les mêmes données par le PCA. La façon dont Joseph Breen gère les dossiers suffira à calmer les ardeurs des critiques du système.
Breen sera très sévère vis-à-vis des films ayant une portée autre que le divertissement. Aucun film ne sera diffusé par le système de distribution hollywoodien de façon rentable sans arborer le sceau d’approbation de la MPPDA. En fait, nous devrons attendre jusqu’en 1953 pour voir la tendance inverse. Selon certains historiens du cinéma (notons Lea Jacobs et Conrad Goeringer), Breen se serait servi de la Legion of Decency pour raffermir son emprise sur les films produits et distribués par les huit principaux studios. Effectivement, il aurait bénéficié des pressions exercées par cette dernière pour justifier ses interventions auprès des maisons de production. Le PCA commence également à conseiller les studios sur le matériel littéraire que ces derniers veulent adapter. Ainsi, au cours de la décennie qui suit, Breen est en mesure d’empêcher l’acquisition des droits de certaines pièces de théâtre ou de certains romans. Le Code ainsi renforcé mène tranquillement à la disparition des critiques sociales par rapport aux films hollywoodiens.
Il faut cependant apporter une précision. Cette censure de la part du PCA s’applique principalement aux films hollywoodiens à grand déploiement, mais également à tous les autres types de films. Indépendamment du film et de son origine, les comités de censure évaluent les films avec le même poids et la même mesure. Les films indépendants et les films étrangers sont scrutés aussi méticuleusement que les films hollywoodiens, et ce, même s’ils s’adressent à un autre type de spectateurs. Tout comme nous l’avons indiqué précédemment, la pression exercée par les divers lobbys diminue considérablement à la suite de la création du Production Code Administration. Hays accentue à ce point son emprise sur l’industrie grâce au PCA, qu’on surnomme ce dernier le Hays Office. Effectivement, à partir du moment où Breen prend la tête du PCA, soit en 1934, il y a beaucoup moins de passe-droits, ce qui a pour effet de calmer les protestataires. Hays n’est pas en mesure d’avoir un système de censure fonctionnant adéquatement avant d’instaurer les sceaux de la MPPDA.
Avec l’arrivée de Joseph Breen à la tête du PCA en 1934, les films respectent tous (ou presque) les exigences du Hays Office. Ce changement d’administration calme les protestations de la masse et des groupes de pression, et instaure un cadre homogène sécuritaire, à l’intérieur duquel Hollywood peut créer des produits générant des recettes presque assurées.
Hays se sert littéralement de la menace catholique pour accentuer son influence sur les studios. La nouvelle conjoncture socio-politique influence la production des studios à un point tel que Hays doit créer le Production Code Administration (PCA). La période de 1930 à 1934 est une étape charnière dans le développement des relations entre Hollywood et le reste du monde. Dans le but d’uniformiser son discours, Hays impose un ensemble de règles permettant de rendre son produit plus exportable. Le Code Hays rend les films acceptables à l’échelle nationale et internationale. Nous pouvons ici citer l’exemple des restrictions émises par le gouvernement britannique quant aux scènes censurées qui auraient influencé Daniel Lord dans l’élaboration du code. Effectivement, il est interdit de diffuser des images des scènes d’accouchement (réelles ou fictives) en Grande-Bretagne à l’époque. Dans son volet traitant de la sexualité, Lord interdit la reproduction de telles scènes au point 8. L’établissement du PCA a pour conséquence 1) de rendre stérile le contenu des films (puisqu’uniquement orienté vers le divertissement) 2) une homogénéisation du point de vue (qu’on accusera d’être trop propagandiste à la fin de la décennie) 3) de créer une barrière créative institutionnalisée (préservant des conditions de marchés avantageuses pour le Big Eight seulement). Ainsi, le gouvernement américain et les groupes de pression ne sentent plus la nécessité de soumettre Hollywood à une censure étatique puisque le contenu de ses films ne soulève plus l’indignation des lobbys. Progressivement, les divers processus de censure instaurés par Hays sont désuets et remplacés par des plus sévères. Le Production Code Administration (PCA), est en fait le point culminant d’une évolution d’un système visant à contrecarrer l’intervention étatique dans le domaine de la censure. David Gallant 3- Code datant de 1921 qui interdit à ses membres de traiter de sujets tels la nudité, l’adultère, le crime, le jeu, l’alcool et les relations interraciales. 4- Richard S. RANDALL, Censorship of the Movies : The Social and Political Control of a Mass Medium, University of Wisconsin Press, Madison, 1968, p. 189. 5- Brian NEVE, Film and Politics in America : A Social Tradition, Routledge, London and New York, coll. Studies in film, television and the Media, 1992, p. 35-36. 6- COLLECTIF, The Motion Picture Production Code of 1930 (Hays Code), p. 1, http://www.artsreformation.com/a001/hays-code.html. 7- Effondrement des cours à la Bourse de New York. Conséquences : pendant l’été de 1930, la crise économique s’étend à presque tous les pays européens. Les exportations européennes aux Etats-Unis diminuent. Les prix des matières premières non contrôlées par des cartels s’effondrent ainsi que ceux des produits agricoles : vague de faillites, chutes successives des prix, chômage et faillite de nombreuses banques. [Collectif, Atlas historique, De l’apparition de l’homme sur la terre à l’ère atomique, Librairie Académique Perrin, Paris, p. 461.] 8- Au cours de la dépression, le nombre d’entrées hebdomadaires vascille entre soixante et quatre-vingt millions. En 1933, la fréquentation des salles diminue de 40%. 9- Notons Little Caesar (Mervyn LeRoy, 1931), Public Ennemy (William A. Wellman, 1931), Scarface (Howard Hawks, 1932), Baby Face (Alfred E. Green, 1933) et Blonde Venus (Josef Von Sternberg, 1932). 10- Priya JAIKUMAR, Pre-code Hollywood : sex, immorality, and insurrection in American cinema, 1930-1934. (Book review), Historical Journal of Film, Radio and Television, June 2000, p. 1. 12- Lea JACOBS, The Wages of Sin : Censorship and the Fallen Woman Film, 1928-1942, Madison, Wisconsin, University of Wisconsin Press, 1991, p. 10. 16- LOWERY, S., and M. DeFLEUR. Milestones in Mass Communication Research: Media Effects 3rd ed. Longman, New York, 1995, p. 382. 19- COLLECTIF, National Legion of Decency, Wikipedia, p. 1, 20- Ces décrets sont propagés via les journaux locaux des 104 diocèses américains, en portant une attention particulière aux marchés métropolitains. De plus, Daniel Lord publie des éditoriaux dans des journaux catholiques diffusés à la grandeur du pays. 21- James M. SKINNER, The Cross and the Cinema : The Legion of Decency and the National Catholic Office for Motion Pictures, 1933-1970, Praeger, Westport, Conn., 1993, p.37. 23- Clayton R. KOPPES, Hollywood Goes to War: How Politics, Profits and Propaganda Shaped World War II Movies, University of California Press, Berkeley, 1990, p. 14. 25- Jerold SIMMONS, « The production code under new management: Geoffrey Shurlock, 'The Bad Seed,' and 'Tea and Sympathy.'» in Journal of Popular Film and Television, printemps, p. 1.
28- «Lettre de Will James» dans The Will Hays Papers, bobine 23, boîte 54, 10 septembre 1939, p. 1-2. BIBLIOGRAPHIE DOHERTY, Thomas, « The Before ‘Da Vinci’», in Washington Post, Samedi, 20 mai 2006, A23. GOERINGER, Conrad, «Their name was Legion…» in American Atheist, 18 février 2001, p. 6. HILGEMANN, Werner et Hermann Kinder. Atlas historique: de l'apparition de l'homme sur la terre à l'ère atomique. Paris, Perrin. 2003. 670p. JACOBS, Lea. The Wages of Sin : Censorship and the Fallen Woman Film, 1928-1942. Madison, University of Wisconsin Press. 1991. 202p. JAIKUMAR, Priya. Pre-code Hollywood : sex, immorality, and insurrection in American cinema, 1930-1934. (Book review), Historical Journal of Film, Radio and Television, June 2000, p. 1. KOPPES, Clayton R. Hollywood goes to war : how politics, profits, and propaganda shaped World War II movies. New York, Free Press. 1987. 374p. LOWERY, Shearon. Milestones in mass communication research : media effects. White Plains, Longman Publishers USA. 1995. 415p. MOLEY, Raymond. The Hays Office. Indianapolis, Bobbs-Merill. 1945. 266p. NEVE, Brian. Film and politics in America: a social tradition. Londres, Routledge. 1992. 285p. RANDALL, Richard S. Censorship of the movies : the social and political control of a mass medium. Madison, University of Wisconsin Press. 1968. 280p SKINNER, James M. The cross and the cinema : the Legion of Decency and the National Catholic Office for Motion Pictures, 1933-1970. Wesport, Praeger. 1993. 248p. |