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La dépression est considérée ici comme une question posée aux nouveaux media. Elle fut le sujet d'un séminaire de 2e cycle au Département d'histoire de l'art et d'études cinématographiques de l'Université de Montréal pendant l'automne 2002. Nous avons réuni dans ce dossier quelques essais d'étudiants produits dans le cadre de ce séminaire. Ces textes partagent tous une même préoccupation pour la représentation du sujet contemporain dont la subjectivité est devenue indissociable d'une certaine dépressivité. Comme vous le constaterez, ils s'intéressent également à la structure dépressive des images actuelles. Ces essais ne cherchent ni à psychologiser les nouveaux médias ni à psychanalyser l'artiste ou le spectateur. Ils ne cherchent pas non plus à appliquer les théories de la dépression pour expliquer les développements récents de l'esthétique. Aborder les arts médiatiques et cinématographiques comme une simple illustration d'une notion prédéfinie dans le discours scientifique serait une dénégation de l'art en tant que champ signifiant à part entière; ce serait réduire également la notion même de dépression. Il ne s'agit pas non plus de s'inscrire dans une tradition qui associe art et folie - cette association ne réussit trop souvent qu'à pathologiser l'esthétique ou à défendre les troubles mentaux comme une force subversive anti-sociale tout en niant ses aspects aliénants et auto-destructeurs. Ce dossier suggère plutôt que si les arts médiatiques ne sauraient être isolés du discours scientifique, ils traduisent la notion de dépression et la questionnent de façon significative. La contribution originale de l'art au débat contemporain sur la dépression se situe fondamentalement dans sa préoccupation pour le sujet, lequel est ici mis en scène et interpellé suivant un paradigme de dépressivité et dont les symptômes dépressifs sont examinés comme faisant partie de la constitution même de l'image. Un des apports critiques les plus importants des textes regroupés se situe dans leur capacité à démontrer comment cette symptomatologie ébranle les fonctions de relation [3], de communication, de représentation et de temporalité de l'esthétique.
1 - Alain
Ehrenberg, La fatigue de soi : dépression et société,
Paris, Éditions Odile Jacob, 1998 ; Ehrenberg et Anne M. Lovell,
«Pourquoi avons-nous besoin d'une réflexion sur la psychiatrie
?», in Ehrenberg, et Lovell, dir., La Maladie mentale en mutation:
Psychiatrie et société, Paris, Éditions Odile
Jacob, 2001, p.13-14. Pour des statistiques récentes concernant
le pourcentage d'individus vivant avec la dépression, voir, entre
autres, http://www.nimh.nih.gov/publicat/invisible.cfm.; T. Bedirhan Üstün,
«The Worldwide Burden of Depression in the 21st Century», in
Myrna M. Weissman, Treating Depression: Bridging the 21st Century,
Washington, DC, American Psychiatric Press, 2001, p.35-45; Kenneth B.
Wells et al., Caring for Depression, Cambridge, Mass., Harvard
University Press, 1996, p.30-31; Michael Thase, «Relapse and Recurrence
of Depression: An Updated Practical Approach for Prevention», in
Katherine J. Palmer, dir., Drug Treatment Issues in Depression,
Auckland, Adis International, 2000, p.35-36; Caroline Carney Doebbeling,
«Epidemiology, Risk Factors, and Prevention», in James L. Levenson,
dir., Depression, Philadelphie, Pennsylvanie, American College
of Physicians, 2000, p.23-27; et Philippe Pignarre, «Comment passer
de la 'dépression' à la société ?», in
Pierre Fédida and Dominique Lecourt, dir., La dépression
est-elle passée de mode ?, Paris, Presses Universitaires de
France, 2000, p.37. Sur la dépression comme une pathologie du temps,
voir aussi Pierre Fédida, Des bienfaits de la dépression
: éloge de la psychothérapie, Paris, Éditions
Odile Jacob, 2001. 3 - Sur la propriété de relation de l'esthétique, voir Jean-Marie Schaeffer, Adieu à l'esthétique, Paris, Presses Universitaires de France, 2000.
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