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Au risque de sombrer dans une périodisation tout aussi fonctionnelle
qu'elle n'est réductrice, il serait tout de même intéressant
de proposer une petite archéologie de l'intersubjectivité
dans le registre bien spécifique de la représentation. À
cet effet, la polémique anti-mimétique inaugurée
par Platon est digne de mention ; pour ce dernier, la représentation
instiguerait chez l'utilisateur un état de torpeur aliénant,
source de confusion avec la réalité, et donc d'appréhension,
à travers un possible effet d'entraînement [1].
Cette critique n'accorde pas beaucoup de jeu au pauvre sujet confronté
à la représentation, à tel point qu'elle évoque
ses effets en termes quasi pathologiques ; rétrospectivement, et
en hommage au cas le plus probant de cette torpeur, Marie-Laure Ryan subsume
la critique platonicienne et donne un nom éloquent à cette
pathologie : le syndrome Don Quichotte [2]. Une
telle conception sous-tend l'écrasement total du sujet face à
la représentation. Elle aura imprégné si profondément
la culture qu'au moment de concevoir un rôle moins limitatif pour
l'utilisateur, le seul salut résidera dans une démarche
critique soudée à la représentation de façon
à endiguer l'état de torpeur tant redouté. Le discours
théorique s'embourbe dans la bipolarité actif / passif,
et l'activité de l'utilisateur devient l'apanage des seules représentations
travaillant à détruire le fondement même de leur existence
: l'illusion référentielle [3]. Défamiliarisation
schklovskienne, distanciation brechtienne, distance critique chère
à Benjamin, pamphlet incendiaire robbegrilletien contre
la mimésis, et autres procédés tels le narrateur
contestable de Sartre, témoignent tous de l'hantise palpable envers
le syndrome Don Quichotte à cette époque. Cependant on s'intéresse
enfin à l'activité du sujet confronté à l'oeuvre,
ouvrant par-là même une redéfinition de l'intersubjectivité
- étape importante, dans la mesure où le sujet bêtement
contemplatif présumé par le paradigme précédent
n'était pas le candidat idéal pour envisager une relation
intersubjective avec l'oeuvre. Cependant, la volonté de dépassement
et de libération caractéristique de la modernité
affirme toujours la suprématie de l'oeuvre, ses effets conditionnant
la réception. L'intersubjectivité à proprement parler
gagnera ses lettres de noblesse avec les théories de la réception,
le reader-response criticism (Fish, Iser) et le post-structuralisme.
Iser emploie directement le terme pour désigner l'apport du lecteur
au moment de sa lecture, à travers sa fréquentation préalable,
ses horizons d'attentes, ses expériences personnelles qui influenceront
le décodage du texte. Il met particulièrement l'emphase
sur la nécessité des « blancs » dans un texte
narratif, qui engageront le lecteur plus activement afin de combler l'information
manquante à l'aide d'inférences personnelles. Première
constatation : si auparavant la distance se voulait la condition nécessaire
à une quelconque activité de l'utilisateur, c'est désormais
dans l'absorption diégétique même qu'on conçoit
son apport intersubjectif. Il ne s'agit plus simplement de recréer un morceau de réel dans ses aspects perceptibles, s'accommodant du point de vue chancelant de l'utilisateur ; on ne nous promet rien de moins qu'un monde virtuel s'adaptant en permanence à notre présence et à notre personnalité : « Virtual Reality exists so that people can make up their reality as fast as they might otherwise talk about it. The whole thing with virtual reality is that you're breeding reality with other people. You're making shared cooperative dreams all the time. You're changing the whole reality as fast as we go through sentences now. Eventually, you make your imagination external and it blends with other people's. » [5] L'insistance de Lanier sur le langage n'est pas anodine. Dès les premières tentatives sérieuses de définition de l'interactivité, Negroponte (également concepteur de mondes virtuels, au MIT à cette époque) emprunte la même analogie pour en désigner la forme la plus aboutie, à savoir l'adaptation mutuelle et constamment renouvelée des parties impliquées [6]. Les nouvelles formes médiatiques - hypertexte, jeu vidéo et autres variantes de l'anticipée fiction interactive - seront désormais vendues à l'aide du même discours : « In its most utopian form, Interactive Drama would be a fully automated production, in which users would impersonate characters in a dialogue with AI-driven agents. The script would allow users to « choose what to say, do and think at all times » (Kelso et al. 2), thus letting them influence the direction of the plot. » [7]
On le sent bien dans ces trois citations, l'emphase est portée sur la nouvelle liberté enfin concédée à l'utilisateur. Pour reprendre l'expression de Ryan, ces aspirations s'inscrivent dans le rêve d'une oeuvre qui reflète son utilisateur [9]. Or, certains mondes virtuels (dans sa définition élargie qui s'accommode maintenant d'une forme moins noble, le jeu vidéo) se targuent déjà d'accomplir l'essentiel de ces aspirations. Considérez l'extrait du manuel d'instruction du jeu The Elder Scrolls III : Morrowind (Bethesda Softworks, 2002) : « One of the first questions people ask us is, « What do I do in this game ? » The answer we give is inevitably « Well, what do you want to do ? » [...] Everywhere you go you will find an assortment of do-gooders, scoundrels, eccentrics, and ordinary people [...] How you choose to interact with them is entirely up to you, and as a result you will find your gameplay experience may be completely different from anyone else's. » [10] Cette courte description recoupe à maints égards les citations précédentes. Jeu de rôle informatisé, Morrowind se présente comme l'univers le plus vaste et accompli jamais offert au joueur. Quelques statistiques : une île principale et ses nombreuses presqu'îles couvrant environ 15 km², disponibles pour exploration au bon gré du joueur ; plus de 60 villes et villages, chacune des diverses habitations qu'on y retrouve étant susceptible d'être visitée ; 300 donjons à explorer ; 3000 personnages de différentes castes, professions, provenant de dix origines raciales, associés ou non à l'une des nombreuses guildes, légions, maisons nobles ; des particularités géopolitiques, religieuses, historiques, à découvrir ou non à travers livres et discussions (la quantité de textes équivaut selon les concepteurs à six gros romans). La liste pourrait continuer encore longtemps. Le joueur débute la partie par la création du personnage qu'il incarnera. On lui demandera entre autres de choisir quelques attributs avec lesquels son personnage aura une certaine affinité ; ce système est si complexe qu'il permet la création de 480 milliards de personnages « différents ». En somme, Morrowind est présenté comme l'ultime tentative d'offrir au joueur une expérience qui serait uniquement sienne. L'intersubjectivité enfin achevée ? Si l'objet à analyser est colossal (il est en effet possible d'engouffrer, à partir d'un seul personnage, un nombre d'heures incroyable sans avoir exploré le tiers de l'île), les mécanismes mis en place pour prétendre à l'ultime expérience intersubjective sont quant à eux moins difficiles à appréhender. Le travail consistera précisément à cerner par quels moyens Morrowind prétend s'adapter au style de jeu de chaque utilisateur. Ce travail s'effectuera en deux temps : tout d'abord, l'interface qui gère l'interaction sera considérée en regard des HCIs (Human Computer Interface) et de la base de donnée tels qu'analysés par Manovich, à la lumière de la bipolarité immediacy / hypermediacy théorisée par Bolter et Grustin. Nous éclairerons ainsi les vecteurs taxés d'accroître l'expérience intersubjective de l'utilisateur tout en essayant de cerner le réel apport intersubjectif. Dans un second temps, seront mis de l'avant les procédés de mise en récit déployés par Morrowind. La narration étant le vecteur le plus puissant d'implication intersubjective envisagé par l'ancien régime (du moins chez Iser), et en dépit du débat qui rejette toute forme de narration dans le jeu vidéo, nous tenterons de mettre à jour les modalités de récupération de ce mode discursif au sein des mondes virtuels. Seront convoqués, entre autres, les notions d'algorithme et d'espace navigable explorées par Manovich, de même que les tropes de l'aporie et de l'épiphanie, outils analytiques offerts par Aarseth. Une fois défini ce type de narration soudé à l'exploration d'un espace en temps réel, Morrowind, et par extension sa démarche de laisser le plus de liberté possible au joueur, seront confrontés à d'autres exemples qui proposent une vision plus contraignante de l'intersubjectivité. L'hypothèse qui sera défendue tout au long de ce travail estime que, bien qu'on envisage un gain d'intersubjectivité allant de pair avec une certaine libération de l'utilisateur, les moyens déployés par les mondes virtuels pour se faire seraient plutôt aptes à mettre en scène une rupture d'intersubjectivité. Offrir au joueur une liberté accrue nécessite la mise en place d'un système d'interaction extensif. Le joueur de Morrowind s'incarne dans un point de vue à la première personne. L'intérêt ne sera pas tant porté sur les mécanismes lui permettant de se déplacer et de combattre, mécanismes communs à la plupart des jeux, mais plutôt sur les modalités d'interaction plus spécifiques qu'il met en place : création du personnage par un système d'attributs qui influenceront les possibilités d'action, gestion des ressources et de l'inventaire, discussion avec les personnages de l'univers virtuel. Dans chacun des cas, afin d'étendre les possibilités d'interaction, Morrowind propose à l'utilisateur de sélectionner dans une série de menus aux éléments pré-établis et met de l'avant, par la même occasion, l'argument clef pour prétendre à un gain intersubjectif : la multiplication (conséquente, il est vrai, dans le cas présent) des choix offerts. La partie s'ouvre d'ailleurs sur une séance intensive de sélection, qui aura cependant reçue l'attention spéciale d'être diégétisée (le joueur est relâché sur l'île, récemment libéré, et doit fournir au douanier des renseignements personnels pour remplir ses papiers). Dans un premier temps seront à déterminer : race, sexe, apparence (incluant la pilosité faciale!), signe astrologique. On propose ensuite trois façons au joueur de déterminer ses habiletés : choisir une classe prédéterminée (guerrier, archer, barbare, chevalier, pèlerin, sorcier, etc.), créer une nouvelle classe en puisant directement dans l'imposant registre d'habiletés (affinité avec tel type d'arme ou d'armure, charisme, appartenance à une école de magie particulière ; le nombre d'attributs à choisir pour créer un personnage étant bien entendu limité), ou encore répondre à un test de personnalité. Ces choix influenceront grandement les possibilités d'action du joueur ; les différentes classes sont en effet associées à l'une des trois façons de jouer : combat, magie, ou furtivité. Au cours de la partie, le joueur devra sans cesse convoquer une série de menus afin de gérer son armement, son habillement, ses sortilèges et les milliers d'objets qu'il peut amasser dans sa quête. Lorsqu'il devra interagir avec les personnages contrôlés par l'ordinateur, le joueur sera de nouveau confronté à un menu où s'accumuleront les nombreux sujets de discussion pertinents ou non à son investigation. Comme le note Manovich : « selecting from a library or menu of predefined elements or choices [...] makes end users feel that they are not just consumers but « authors » creating a new media object or experience » [11]. L'omniprésence des menus qui interpellent l'utilisateur est un trait typique du médium informatique. Il s'agit d'un élément introduit par les HCIs (Human Computer Interface), un des trois média isolé par Manovich pour définir l'état actuel des « interfaces culturelles » (il désigne ici les façons par lesquelles l'ordinateur nous présente et propose d'interagir avec des éléments culturels). Mais s'il est une partie essentielle des GUI (Graphical User Interface) devenus légions dans nos systèmes d'exploitation, navigateurs internet et autres applications, sa présence au coeur de Morrowind peut sembler compromettante eut égard aux aspirations de la réalité virtuelle. D'autant plus qu'on aura senti la nécessité, déjà au moment d'élaborer le premier GUI, d'y introduire un contenu métaphorique pour mieux ancrer son usage dans une certaine familiarité ; le GUI se construit autour de conventions récupérées dans l'environnement physique du travail de bureau, notamment dans l'icônisation des fonctions importantes (corbeille, organisation de données en dossier, presse-papier, etc.). Dès lors, son inclusion franche et assumée, sans volonté perceptible de diégétiser ce réseau de menus envahissant, dans l'interface d'un monde virtuel comme Morrowind (cherchant par définition à maximiser son capital immersif) pourra sembler insolite. Après tout, d'autres jeux se donnaient la peine d'effectuer le même mouvement métaphorique que les GUIs pour mieux fondre l'interface en continuité avec l'univers proposé (icônes et menus récupérant la même iconographie heroic fantasy que le reste du jeu, par exemple). De sorte que Morrowind met de l'avant le conflit entre « la richesse du contrôle prodiguée par les HCI tout usage et l'expérience « immersive » d'objets culturels traditionnels comme les livres et les films [de même que celle de la réalité virtuelle]. » [12], entre interactivité et immersion [13]. Bref, Morrowind problématise le tiraillement entre l'opacité et la transparence, la surface et la profondeur, la représentation comme cadre et la représentation comme fenêtre ouverte sur le monde (Manovich p.80). Il faudra d'abord cerner les conséquences de ce conflit sur le désir d'implication du joueur. La réalité virtuelle, dans les aspirations les plus utopiques de ses concepteurs, serait éventuellement en mesure d'outrepasser l'intermédiaire du langage. Selon Michael Benedikt, l'expérience VR deviendra « un mode de communication post-symbolique » [14]. Cependant, l'outillage nécessaire pour atteindre cet au-delà du langage (souvent associé d'ailleurs à un âge d'or où l'enfant ne se distingue pas du monde environnant et de sa mère, l'avant-stade du miroir) n'est pas exactement disponible à l'heure actuelle [15]. De sorte que les mondes virtuels, s'ils veulent allouer à l'utilisateur un registre d'actions plus conséquent que le combat et la fuite, doivent se résigner à mettre en place une interface hautement symbolique ; appuyer sur une série de boutons, cliquer sur une multitude d'icônes constituent l'intermédiaire inévitable pour accomplir n'importe quelle action. Dans Morrowind, cette interaction symbolique se traduit par l'affichage sur appel d'un menu approprié à la situation (inventaire, discussion, etc.) ; le monde virtuel très riche visuellement est suspendu momentanément derrière une fenêtre d'interaction. « These new media objects keep reminding us of their artificiality, incompleteness, and constructedness. They present us with a perfect illusion only next to reveal its underlying machinery » [16]. Qu'advient-il de l'implication du joueur avec une représentation qui déconstruit en permanence son illusion ? Morrowind, comme la plupart des jeux vidéo récents, « remédiatise » à la fois la réalité virtuelle et les HCIs. L'expression de Bolter et Grustin désigne le mouvement d'appropriation de conventions issues d'autres médias - appropriation qui implique évidemment une refonte. Dès lors, on peut supposer une certaine familiarité des joueurs avec cette oscillation entre la volonté d'effacement complet du médium (VR) et le désir d'un contrôle plus élaboré (HCI). Même si la tradition immersive ne s'est jamais accommodée d'une rupture si évidente de l'illusion, il ne faudrait cependant pas commettre l'erreur de juger cette nouvelle forme selon les critères esthétiques de celles qui l'ont précédée. À cet égard, les deux logiques qui régissent le développement des médias isolés par Bolter et Grustin seront utiles afin d'éclairer en quoi le conflit immersion / interaction ne brime pas le désir d'implication du joueur, et donc la mise en place d'une relation intersubjective avec l'oeuvre. Selon eux, un nouveau média gagnera ses lettres de noblesse en prétextant une immédiateté accrue par rapport aux médias antérieurs. Le désir d'immédiateté s'est traduit pendant longtemps dans les nombreuses tentatives d'offrir une représentation toujours plus fidèle du réel perceptible. Par opposition, « hypermediacy makes us aware of the medium or media and (in sometimes subtle and sometimes obvious ways) reminds us of our desire for immediacy » [17]. Cependant, ces deux notions ne sont pas tant opposées que complémentaires, dans la mesure où elles expriment le même désir d'atteindre une certaine authenticité de l'expérience du réel ; « Hypermedia and transparent media are opposites manifestations of the same desire: the desire to get past the limits of representation and to achieve the real » [18]. Ainsi, l'hypermédiation ostensible des médias actuels (applications informatiques, images emboîtées des bulletins de nouvelles télévisées, images de synthèse « photoréalistes », etc.), leur surcharge d'informations et leur récupération des autres médias, parvient à achever une certaine conception du réel, qui reconnaît justement l'omniprésence des médias ; « the experience of the medium is itself an experience of the real » [19]. L'interface d'interaction proposée par Morrowind relève certes de l'hypermédiatisation. Mais si l'on considère l'immersion non pas tant comme un sentiment de présence provoqué par une représentation illusionniste mais dans son acception psychologique, à savoir l'implication globale de l'utilisateur avec l'oeuvre, cette interface lourde voudrait en fait restituer une expérience plus immédiate. Bolter et Grustin conçoivent le gain d'immédiateté associé à l'hypermédiatisation principalement au niveau d'une confrontation assumée avec la réalité des médias. L'interface de Morrowind propose ce même gain au niveau du monde représenté ; les possibilités d'interaction accrues s'inscrivent dans le même désir d'immédiateté. Concédez lui plus de contrôle et l'utilisateur fera abstention sans problème d'une illusion chancelante. Manovich note : « this ability of the viewer to interact with a representation may be as important in contributing to the overall reality effect as the images themselves » [20]. Le couple immédiateté / hypermédiatisation est un outil essentiel puisqu'il souligne la relativité d'une construction critique répandue, qui associe l'opacité de la représentation avec la mise à distance de l'utilisateur. Il permet ainsi de mieux comprendre différents types d'implication avec l'oeuvre [21]. Ryan parle de « medium-aware immersion » [22], Manovich de « cognitive multitasking » pour désigner la nouvelle posture du sujet ; dans cette optique, « the periodic shifts between illusion and its suspension are necessary to fully involve the subject in the illusion » [23]. Nous pouvons donc conclure que le conflit mis en scène par Morrowind au niveau de la représentation, loin d'endiguer le désir d'implication du joueur, vient nourrir ce dernier. Mais au-delà de ces questions de représentation, les mécanismes d'interaction et de personnalisation évoqués plus haut, et par extension la liberté qu'ils procurent, sont-ils garants du gain intersubjectif promis par les concepteurs ? L'utilisateur est-il en mesure d'investir dans l'oeuvre quelque chose de vraiment sien, qui modifie concrètement la représentation ? L'oscillation entre fenêtre ouverte sur le monde et surface serait-elle un moyen plus efficace de faire fonctionner la représentation comme miroir ? Pour le dire autrement : les possibilités d'implication déployées par Morrowind surclassent-elles à tout point de vue celles que nous offraient les représentations « classiques » ? Notons tout d'abord que l'interaction joueur-monde virtuel ne remplit pas la condition nécessaire d'une interaction ouverte : chaque élément du monde virtuel a été défini d'avance [24]. L'utilisateur ne fait en somme que sélectionner dans une liste d'éléments, assez volumineuse pour recouper ses goûts, mais tout de même fermée et définitive. Même si Manovich associe le jeu vidéo au registre de la narration plus que de la base de données, Morrowind tente de fournir une certaine liberté en adoptant la logique de cette dernière, au détriment d'une mise en récit ferme. L'univers accompli qu'on nous propose s'appuie en fait sur une base de données qui pourrait être titrée « heroic fantasy » : x nombre d'armes, de vêtements, de personnages, de lieux, etc. Il renverse ainsi la relation entre paradigme et syntagme qui caractérisait notre rapport à la représentation : « database (the paradigm) is given material existence, while narrative (the syntagm) is dematerialised » [25]. Mais peut-on parler d'intersubjectivité ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une rupture profonde entre deux individualités mises à jour par une course à la liberté de l'utilisateur? D'un côté, un monde virtuel qui propose l'entièreté des paradigmes jugés pertinents par les concepteurs ; de l'autre, un utilisateur pour qui la liberté de choisir prend le pas sur un dialogue plus contraignant. L'imaginaire déployé est normalisé par la concrétisation des paradigmes : « choosing values from a menu [...] one does not construct a unique self but instead adopt already pre-established identities » ; « we are asked to mistake the structure of somebody else's mind for our own » [26]. La liberté offerte, en somme, se résume à la liberté de parcourir l'imaginaire paradigmatique des concepteurs du jeu, tandis qu'une structure plus contraignante et déjà orientée susciterait inévitablement l'imaginaire de l'utilisateur : « Before we would look at an image and mentally follow our own private associations. [...] Before, we would read a sentence of a story or a line of a poem and think of other lines, images, memories » [27]. La mise en syntagme de l'oeuvre, bien qu'elle brime par définition la possibilité d'agir sur son déploiement (et donc mine notre liberté), serait en mesure de susciter notre imaginaire personnel, à défaut de permettre une modification tangible issue de cette confrontation. Dans un univers fictif, la narration constitue la principale occurrence d'un déploiement syntagmatique. Moyen familier pour engager l'utilisateur avec ces univers, il aurait été surprenant de ne trouver aucune structure analogue dans Morrowind, même en considérant son idéal de libération. Cependant, un débat fait toujours rage à savoir si le jeu vidéo peut s'accommoder de la narration. Plusieurs théoriciens, notamment Aarseth, affirme qu'on ne peut analyser le jeu de l'utilisateur à l'aide de ce concept littéraire, et de fait plusieurs définitions de la narration proposent des critères incompatibles avec le jeu (présence et d'un narrateur et d'un acteur, structure temporelle close, etc.). L'argument récurrent consiste à dire que l'utilisateur ne se fait pas raconter une histoire, mais crée l'histoire au fil de sa progression dans le monde virtuel ; « Hamlet ou SuperMario, il faut choisir » [28]. À l'opposé, Manovich prétend que le jeu sera expérimenté comme une narration dans la mesure où le joueur s'impose un but. Ceux qui jugent les deux univers irréconciliables fondent souvent leur argument à partir de la narratologie conventionnelle. Mais pour peu qu'on parle de narration dans son acception moins radicale, i.e. la distribution de l'information pertinente à la compréhension d'un univers fictif et de son déploiement, cette incompatibilité n'est plus aussi saillante. Aussi certains aspects des mondes virtuels convoquent sensiblement les mêmes fonctions cognitives que la narration. Bref, peu importe si le terme est toujours contesté dans l'univers des jeux vidéo, ces mondes virtuels mettent en place des structures syntagmatiques qui engagent l'utilisateur de façon analogue, et c'est justement cet espace narratif qui ferait défaut à Morrowind. Mais voyons d'abord de quelles façons certains aspects de la narration proprement cinématographique et littéraire sont remédiatisés par le jeu vidéo. La plupart des théoriciens, notamment Jenkins, Frasca, et même Aarseth, reconnaissent la présence conjointe de la narration et de l'action dans un jeu vidéo [29]. Ils entendent entre autres que la plupart des jeux ont recours à des scènes cinématiques pour introduire l'histoire à l'utilisateur et la faire progresser entre les niveaux, et sous-tendent ainsi deux postures pour ce dernier : le joueur et le spectateur. Morrowind ne fait pas exception à cette règle et propose une histoire par l'entremise de segments non interactifs. Sans résumer l'histoire proposée par le jeu, on peut affirmer qu'elle souffre du même problème que la plupart des histoires offertes par les jeux vidéo. François Niney résume bien la situation : « il faut savoir que jeu et drame sont en raison inverse : plus c'est un jeu interactif, plus le scénario est léger et cliché, les personnages caricaturaux, les événements simplistes » [30]. Le joueur incarnera inévitablement le bien absolu qui s'engage dans une quête pour sauver le monde de l'emprise du mal absolu, matérialisé par l'antagoniste. De plus, les postulats narratifs et autres éléments fictifs seront pour la plupart puisés dans un bassin de genres populaires, combinant le schématisme du scénario aux lieux communs de la science-fiction ou de l'heroic fantasy, réduits à leur plus simple expression. Bien sûr il ne faudrait pas condamner trop promptement cette mise en récit trop familière ; ce serait mal jauger par la même occasion le pouvoir immersif d'un large pan du cinéma et de la littérature (le para a été volontairement omis, ne vous en déplaise). Mais notons tout de même que jusqu'à tout récemment, les segments cinématiques des jeux n'étaient pas très populaires chez les joueurs, qui avaient tôt fait de les outrepasser, ou alors étaient contraints d'y assister si le jeu n'offrait pas cette option [31]. Pour Mary-Laure Ryan, une fiction acquiert son plein pouvoir immersif lorsqu'elle met en scène un univers qui dégage une impression de vie autonome, de logique interne cohérente (selon ses propres postulats narratifs) [32]. Dès lors, les éléments de récits trop familiers offerts par ce genre de fiction endiguent l'implication psychologique de l'utilisateur [33]. Pour reprendre les termes de Bolter et Grustin, le récit devient hypermédiatisé, ses ficelles trop apparentes. On rejoint ici le modèle intersubjectif de Iser ; si un récit se présente de manière immédiatement assimilable, l'utilisateur n'aura pas à investir son imaginaire dans les espaces laissés en blanc, ni à convoquer des inférences personnelles pour faire fonctionner le récit. La narration en sait toujours plus qu'elle n'en dit, selon la célèbre affirmation de Genette, et suscite ainsi l'implication de l'utilisateur. Devrions-nous abdiquer et conclure prématurément : narration 1, jeu vidéo 0 ? Une implication psychologique analogue peut-elle se mettre en branle en dehors de la posture spectatorielle ? Les concepteurs de mondes virtuels semblent avoir pris un peu trop littéralement l'acception selon laquelle l'oeuvre ne peut fonctionner qu'en présence de l'utilisateur. Ce dernier devient acteur principal de l'univers fictif, mais cette posture n'implique pas nécessairement qu'il désire être le seul acteur pouvant faire avancer le récit, le seul personnage à agir au sein du monde virtuel. Sauver l'univers, c'est bien beau, mais c'est aussi franchement emmerdant si cet univers est aussi plat que le disque optique sur lequel il est gravé. Morrowind n'échappe pas à cette critique. Après quelques heures de jeu et malgré les incidents récents qui sont colportés par certains personnages, l'utilisateur aura inévitablement l'impression d'être le seul aventurier à accomplir quoi que ce soit. Mais n'y-a-t-il aucun mécanisme qui aurait pu simuler une vie intérieure crédible ? Effectivement, d'autres jeux auront proposé une expérience fondée sur la co-présence et non la simple alternance des deux postures (spectateur et joueur), de façon à ce que le monde virtuel se transforme en espace narratif. Les jeux ayant réalisé cette fusion avec le plus de succès, paradoxalement, sont issus du registre de l'action pure et dure : il s'agit du jeu de tir à la première personne. Half Life (Sierra Studios, 1998) se sera fait remarquer pour son intégration d'événements scriptés au sein même de l'espace où le joueur perpètre son massacre insatiable. Les segments cinématiques ont été évincés, le déroulement narratif se produit sous les yeux du joueur qui garde plein pouvoir sur la position qu'il occupe et l'orientation de son regard lorsque survient l'événement. Dans un registre sf, ces événements sont soudés à l'environnement exploré : conduite qui explose sous certaines conditions, changement de gravité, etc. Manovich note : « games and virtual worlds aim to psychologically « immerse » the user in an imaginary universe. [...] navigable space [...] accomplishes the same effects that before were created by literary and cinematic narrative » [34]. Mieux encore, l'histoire convoque le personnel d'un centre de recherche avancée, une race extraterrestre qui profitera du gouffre interdimensionnel (provoqué par une expérience infructueuse) pour investir notre monde, et l'armée qui viendra essayer d'étouffer l'affaire. Le joueur, qui incarne un chercheur, sera confronté aux extraterrestres et à l'armée, mais à maintes reprises surprendra des scènes de combat entre l'armée et les parasites. Il peut rester en retrait et analyser la scène, en prédire l'issue, et à tout moment peut décider de joindre le combat. Et s'il agit, l'événement scripté s'adaptera en conséquence : le personnel du centre évitera une mort certaine ; l'armée sera confuse par la présence du joueur, donnant ainsi l'avantage aux parasites qui la pourchassaient, etc. On reconnaît ici l'apport de deux des aspects spécifiques aux nouveaux médias soulignés par Manovich : la modularité et l'automation. Les personnages contrôlés par le moteur du jeu contiennent tous des directives d'interaction leur permettant de s'adapter à leur environnement, aux autres personnages et à l'utilisateur. Ce dernier n'est plus seul à combattre pour la sauvegarde du monde, chaque groupe agissant selon des motivations bien précises ; l'impression de vie autonome s'en trouve renforcée, de pair avec l'immersion qu'elle convoque. À l'opposé, l'univers et les personnages de Morrowind stagnent et ne semblent exister qu'en fonction de l'utilisateur. On voit bien quelques habitants se promener dans les villes, mais la plupart restent debout, immobiles au milieu d'une auberge. Pire, le monde virtuel simule le passage du temps, ce qui est traduit visuellement par l'alternance du jour et de la nuit, mais les personnages ne bronchent pas, fidèles au poste au point de ne jamais dormir. On peut supposer qu'il s'agit d'une des conséquences de la trop grande liberté proposée à l'utilisateur : libre d'aller n'importe où, n'importe quand et d'entreprendre les quêtes qu'il estime valables, chaque personnage se doit d'être au bon endroit pour lui en permanence. Il n'a pas à produire d'inférences sur les lois physiques du monde virtuel et sur l'intelligence et les motivations de ces habitants (par exemple : je dois trouver tel personnage, il fait nuit, alors je devrais chercher à savoir où il habite). Aarseth parle à juste titre d'autisme pour caractériser ces personnages : « The characters you meet in [Morrowind] appear to be living in their own private worlds. When questionned, they often repeat themselves without making sense, and you may stand next to them for hours without any sign that they know you are there » [35]. En fait, le joueur peut brandir une arme et menacer l'un d'eux sans qu'il ne cesse d'afficher le même sourire posé. Une simple scène de combat dans Half Life ou Halo (Microsoft Game Studios, 2001, qui reprend les mêmes mécanismes) convoquait une implication psychologique profonde, l'utilisateur cherchant à cerner l'intelligence artificielle de son opposant, ajustant ses hypothèses pour élaborer des stratégies plus efficaces. Dans un monde virtuel, l'intelligence artificielle des personnage et les lois physiques susceptibles d'entrer en interaction avec l'utilisateur constituent la logique interne de l'oeuvre, inconnue du joueur en début de partie. « As the player proceeds through the game, she gradually discovers the rules that operate in the universe constructed by this game. She learns its hidden logic - in short, its algorithm. » [36]. Le joueur tire son plaisir en comblant progressivement les « blancs » du monde virtuel, produisant des inférences qui auront à être confirmées ou infirmées à partir de connaissances préalables issues du monde réel, de sa familiarité avec des jeux du même type. On rejoint ici l'analyse phénoménologique de la lecture proposée par Iser et celle, plus constructiviste, de la spectature par Bordwell [37]. « Narratives and games are similar in that the user must uncover their underlying logic while proceeding through them - their algorithm » [38]. L'intelligence artificielle et les lois physiques constituent en somme des mécanismes de mise en syntagme, d'automation, qui viennent ordonner le déploiement d'éléments modulaires - les personnages et les objets - et font du monde virtuel un espace narratif, récupérant en partie, par la même occasion, le modèle intersubjectif théorisé pour ce mode discursif. La liberté qu'octroie Morrowind à son utilisateur contraint ce dernier à devenir le seul vecteur syntagmatique du monde virtuel. Half Life misait plutôt sur une progression contrainte dans l'environnement et dans l'enchaînement du récit, et ainsi ne convoquait pas les mêmes problèmes ; « computers can pretend to be intelligent only by tricking us into using a very small part of who we are when we communicate with them » [39]. Les tropes de l'aporie et de l'épiphanie (Aarseth), outils métaphoriques visant à détailler le rapport entretenu par le joueur avec, entre autres, un monde virtuel, semble pointer dans la même direction. L'aporie survient lorsque le joueur fait face à une situation problématique qu'il tente en vain de solutionner ; l'épiphanie désigne ce moment où une tactique élaborée se sera révélée fructueuse [40]. Sans épisode aporétique, le joueur ne pourrait expérimenter le plaisir de l'épiphanie. Bien sûr l'aporie ne doit pas non plus sembler insurmontable, et c'est ici que l'intelligence artificielle et les lois physiques crédibles permettent au joueur d'envisager plusieurs solutions. Mais le plaisir du jeu ne survient pas au seul moment de l'épiphanie. Comme le souligne Schaeffer, le plaisir qu'on prend à entrer en relation avec une oeuvre réside dans l'appréciation du processus cognitif même [41]. Morrowind en somme propose au joueur un état anti-aporétique quasi-constant, ce qui ne signifie évidemment pas une épiphanie constante. Le joueur n'est jamais contraint de surmonter d'autres obstacles que ceux qu'il s'impose et la faiblesse de l'intelligence artificielle provoque la redondance ; lorsqu'il aura trouvé la tactique efficace pour se débarrasser de ses ennemis, il n'aura plus à en chercher d'autres. Même s'il pourrait passer encore des dizaines d'heures à cheminer dans cet univers, le jeu se terminera vraisemblablement ici. Dès lors, la conception intersubjective proposée par les aspirations du nouveau régime, reposant sur la liberté qu'il est désormais en mesure d'octroyer à l'utilisateur jusqu'à l'élever en co-auteur, ne semble pas remplir toutes ses promesses. Les prétentions du discours s'appropriant ces nouveaux objets médiatiques voudraient faire croire à une révolution, là où l'utilisateur n'est pas plus en mesure de convoquer son imaginaire propre par les mécanismes de personnalisation. Mais dans l'emphase qu'on porte à sa libération, se dessine en contrepoint un régime culturel où l'individu rechigne à se confronter à l'altérité : « Or que se passe-t-il lorsque les entrepreneurs de la création numérique en viennent à vouloir associer le spectateur ? Ne lui proposant, comme c'est le cas dans les fictions interactives, non pas des textes par définition « ouverts », mais davantage une liste d'instructions erratiques, venant d'on ne sait qui, ne menant souvent nulle part et renvoyant ses propres choix, sélections, etc., ce « spect-acteur » est fondamentalement abandonné à lui-même, englué dans un univers de sens et d'expériences auto-centrés et par conséquent appauvri [...]. Centrée sur les passions individuelles, de tout un chacun mises en réseaux, sur les curiosités, manies voire obsessions de « spec-acteurs » promus co-auteurs de textes hybrides, [la cyberculture] peut se définir essentiellement comme une culture du « je » au risque du solipsisme esthétique. » [42] L'intersubjectivité, c'est aussi se nourrir de l'autre en même temps que de le nourrir. Si les représentations de l'« ancien régime » ne parvenaient pas à concrétiser la part de nous qu'elles convoquent pour fonctionner, elles auront tout de même développé des mécanismes pour que notre imaginaire et celui offert par les oeuvres parviennent ensemble à maturité. Bien sûr, les possibilités offertes par un monde virtuel intégrant des mécanismes de mise en syntagme, s'accommodant de la présence de l'utilisateur, méritent d'être explorés. Le défi pour un univers aussi ouvert que celui de Morrowind consiste alors à mettre en place des mécanismes qui s'assureront de maintenir un équilibre entre aporie et épiphanie. Cet « espacement de qualité », pour reprendre l'expression de Schaeffer, entre notre rapport au monde et celui, conventionné pour mieux susciter le plaisir, à la représentation, ne constitue bien évidemment pas la seule modalité d'implication de l'utilisateur avec l'oeuvre. L'introduction d'interfaces hypermédiatisés au sein même de la représentation, phénomène désormais familier et donc en passe d'être intériorisé par les utilisateurs, ouvre la voie à une immédiateté sur-humaine, qui ne vise plus à reproduire notre rapport au réel en conventionnant la même distance, chère à Benjamin, qui nous sépare du monde, mais voudrait bien offrir à l'utilisateur une omniscience déjà conquise par la caméra au cinéma. Le régime de la simulation annonce le plaisir de l'expérimentation qui pourrait bien contaminer le récit et ainsi modifier notre rapport à la fiction. Reste à cerner, en dehors des utopies, si le plaisir du jeu peut se passer de contraintes pour nous inviter à y commettre une partie de nous-mêmes.
-AARSETH, Espen J. Cybertext. Perspectives on Ergodic Literature, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1997. -BEAU, Frank. Philippe Dubois. Gérard Leblanc (sous la direction de). Cinéma et dernières technologies, De Boeck Université, Paris, 1998. -BOLTER, Jay David. Richard Grustin. Remediation. Understanding New Media, The MIT Press, Cambridge, 1999. -FRASCA, Gonzalo. (Page consultée le 1er décembre 2002). Ludology Meets Narratology: Similitude and Differences between (video)games and narrative, [En ligne]. -ISER, Wolfgang. The Act of Reading. A Theory of Aesthetic Response, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1978. -JENKINS, Henry. (Page consultée le 1er décembre 2002). Game Design as Narrative Architecture, [En ligne]. -MANOVICH, Lev. The Language of New Media, The MIT Press, Cambridge, 2001. -RYAN, Marie-Laure (éditeur). Cyberspace Textuality : Computer Technology and Literary Theory, Indiana University Press, Bloomington, 1999. -RYAN,
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Baltimore, 2001. |