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        La réflexion qui suit et qui prend appui sur un texte de Jean During 
        intitulé Question de goût, lenjeu de la modernité 
        dans les arts et les musiques de lIslam, tente un parallèle 
        entre les modernités occidentales et iraniennes tout en interrogeant 
        à ce titre les mots de tradition, dauthenticité et 
        finalement de modernité. Ainsi, après avoir vu en quoi la 
        musique persane sarticule à ses origines autour de la double 
        problématique engendrée par la loi islamique et par son 
        détournement à travers la gnose mystique, nous étudierons 
        à travers la querelle des anciens et des modernes les modalités 
        qui conduisirent au changement et les enjeux de ce changement, cest-à-dire 
        le rejet de la tradition historique et ladhésion à 
        une authenticité du sujet engendrant par là même une 
        esthétique du goût. Dans une troisième partie nous 
        interrogerons enfin les termes de modernité et de tradition pour 
        comprendre sils ne sont pas au fond une simple affaire de savoir 
        et dinterprétation.  
         
        1 Les fondements de lesthétique 
         
         
        1.1 La loi islamique et son détournement  
         
        Le monde islamique se compose dune large communauté de musulmans 
        dont lidéal de vie commun sinspire à la fois 
        du Coran qui est une compilation exacte de la parole divine révélée 
        au prophète Muhammad et de la sunna qui est un recueil de textes 
        présentant l'ensemble de la parole non révélée, 
        c'est-à-dire la tradition du prophète, ses faits et gestes, 
        ses approbations ou ses réprobations et cela va s'en dire les différentes 
        interprétations qui en ont été faites. En matière 
        de droit, le rôle de la Sunna est essentiel puisquelle précise 
        d'un point de vue législatif les points que le Coran ne faisait 
        que soulever, faisant par-là même office d'autorité 
        et de loi. Ces fondements, soumis par ailleurs aux diverses interprétations 
        des docteurs de la loi, obéissent à une hiérarchie 
        très stricte qui classe les actes en interdits, blâmables, 
        licites ou obligatoires. Si parler ici de jurisprudence peut paraître 
        inutile, il ne faut pas sy méprendre tant ce paramètre 
        est important dans le contexte démergence des arts islamiques. 
        Ainsi, en vertu de la loi divine on peut penser que lart ancien 
        se doit avant tout dexprimer la pensée de Dieu, sa bonté 
        et sa volonté, au fond, dexprimer non pas le beau mais le 
        vrai, ce qui implique une dévalorisation du statut de lartiste 
        qui sefface derrière son uvre. Dans un certain sens, 
        on se retrouve ici assez proche dune intentionnalité dans 
        laquelle lart semble subordonné à un objectif qui 
        lui est extérieur et le dépasse.  
         
        Si la loi savère être un paramètre déterminant, 
        Il ne faut cependant pas oublier quavant dêtre un interdit, 
        elle est surtout une limite faite par et pour les hommes, une volonté 
        déquilibre sujette à maintes ré-interprétations. 
        Soffre ainsi la possibilité pour les artistes de la contourner, 
        à travers le concept métaphysique de la Gnose abordé 
        dans le chapitre suivant. 
         
        1.2 La mystique en tant que fondement 
        de lesthétique ancienne  
         
        La quasi-totalité de la population iranienne étant chiite, 
        il convient dans un premier temps de préciser en quoi ce facteur 
        a favorisé le développement dune musique plus mystique 
        que religieuse, dune musique sattachant à communiquer 
        sa vérité à travers la transe. En effet, si la communauté 
        islamique se caractérise par son adhésion au coran, il importe 
        de dire que des divisions se sont produites au cours de l'histoire et 
        ont favorisé lémergence de deux tendances antagonistes 
        nommées sunnisme et chiisme. Sans entrer ici dans les détails 
        historico-politiques on peut néanmoins ajouter que les sunnites 
        qui représentent la majeure partie des musulmans, sattachent 
        à promouvoir une approche exotérique du coran dont la conséquence 
        majeure est laffirmation dune conception dualiste du monde 
        comprise comme opposition entre physique et métaphysique. Les Chiites 
        au contraire confèrent à lherméneutique cest-à-dire 
        à la science de linterprétation des signes et des 
        symboles, un rôle déterminant en ce que, selon eux, le coran 
        recèle un sens caché. Ainsi, la question posée par 
        le chiisme et qui soulève comme nous allons le voir les fondements 
        de lesthétique persane est de savoir quel est le sens du 
        vrai, c'est-à-dire de savoir si le vrai est ce que le coran énoncent 
        de manière littérale (exotérique) ou si cette apparence 
        n'est qu'une métaphore impliquant la recherche d'un sens caché 
        (ésotérique). Cette problématique se retrouve exprimée 
        dans le texte de During : " les docteurs de la loi divisent le monde 
        en ici-bas et au-delà, et l'humanité en mécréants 
        et croyants, dont les lieux de destination sont l'enfer ou le paradis 
        (...). En revanche, les soufis et les gnostiques ont développé 
        une pensée multidimensionnelle beaucoup plus complexe (...) qui 
        s'articule sur la fameuse opposition zahir / batin, que l'on peut traduire 
        par le couple apparent caché, extérieur intérieur 
        ". 
         
        Pour les Iraniens, tout zahir comporte un batin et il nexiste ainsi 
        quun seul niveau de réalité permettant de préciser 
        que " Au lieu d'une simple séparation radicale entre le haut 
        et le bas, le système de la gnose se caractérise par une 
        hiérarchie du réel dans laquelle les niveaux se compénètrent 
        ouvrant des voies de passage". Cette notion mystique que Corbin définit 
        comme un mundus imaginalis sinspire du concept arabe de barzakh, 
        qui signifie limite ou séparation et se caractérise par 
        une situation médiane et médiatrice entre le monde extérieur 
        et le monde intérieur. Ainsi lefficacité de ce concept 
        repose sur le fait quil matérialise les formes sensibles, 
        et quil imaginalise les formes intelligibles parachevant ainsi la 
        connexion entre transcendance et immanence. Cette notion dinter 
        monde revêt dans le cadre de la musique iranienne une importance 
        capitale en ce quelle sous-tend la problématique du Hâl 
        considéré par beaucoup comme le concept clé de lesthétique 
        musicale persane. Ce concept difficile à appréhender de 
        manière intellectuelle peut être assimilé à 
        un état second ou extatique, un feu intérieur ou un souffle 
        divin qui doit animer lartiste et lui permettre datteindre 
        un degré inégalable de conviction et de grâce. Cest 
        par cette même grâce que lartiste jouera un rôle 
        de médiateur entre lici bas et lau-delà, et 
        permettra éventuellement à lauditoire datteindre 
        le même état dextase, conséquence dune 
        communion musicale prenant des accents dinitiation mystique partagée. 
        Ainsi, libérés de leur ego, les membres de la communauté 
        pourront vibrer au son de cet état et accéder à lexpérience 
        mystique totale en abolissant les barrières affectives à 
        travers la transcendance. On peut à ce point préciser que 
        le jugement de valeur musical, repose ici sur les pôles de lexécution 
        et de la réception (attentionnalité) et que ce sont donc 
        ces deux derniers qui jouent un rôle déterminant dans la 
        compréhension de lesthétique musicale. En ce sens, 
        la musique soufi peut être appréhendée à travers 
        le paradigme intentionnel puisquelle exprime une volonté 
        sacrée qui transcende lobjet, et à travers le vécu 
        en ce quelle se caractérise non pas par limportance 
        de ce même objet en tant quentité stable et durable 
        mais par la façon dont on lexprime à travers la performance. 
        Le vecteur de réussite sera donc ici leffet provoqué 
        par la musique en tant quexpérience sacrée et la libération 
        dun pouvoir dont lexplosion permettra laccession au 
        barzakh à travers la sphère du collectif. Ainsi, 
        s'initier à la musique persane, c'est comme entrer dans une autre 
        dimension, héritée de la mystique soufi dont le but avoué 
        est moins le plaisir procuré « par lécoute des 
        sons apparents (
) que la perception de cet autre plan de réalité 
        » qui permet une parfaite communion avec la vision de Dieu. Cependant, 
        il est important de constater que « Si lart nest pas 
        réductible à une délectation sensible (ce que la 
        loi interdit), il nest pas encore une fin en soi car il est entièrement 
        tourné vers sa finalité sacrée (
) ». 
        Ainsi, lesthétique telle quon peut la valoriser en 
        occident, cest-à-dire en tant que science indépendante 
        repliée sur elle-même, nexiste pas réellement 
        dans la musique ancienne dIran. « En bref, on écrit 
        et on discute sur la musique soit en termes juridiques, soit en termes 
        mystiques, soit encore en termes scientifiques et techniques, mais rarement 
        en termes desthétique ». 
         
        2 De lauthenticité 
        historique à lauthenticité du sujet  
         
        2.1 Le poids de la tradition  
         
        Il convient pour comprendre les enjeux de la modernité de définir 
        le sens que les anciens confèrent au mot tradition. Il semble ici 
        que ce concept repose sur une certaine valeur temporelle, cest-à-dire 
        sur une tendance à considérer lancien comme meilleur 
        parce quil est ancien. Cette notion qui rejoint celle de lauthenticité 
        historique apparaît profondément liée à celle 
        de lidentité nationale en ce quelle possède 
        un certain vecteur politico-religieux comme nous avons pu le voir dans 
        la première partie du texte. Sur cette base religieuse, lauthenticité 
        se réfère donc à des règles précises 
        et à une certaine objectivité dont lexpression se 
        traduit par un art dévoué à la connaissance et apprécié 
        par un public de spécialistes. Cette conception dont le théoricien 
        Farãbi est le plus illustre représentant nest pas 
        sans rappeler celle quexpose Platon dans La République. En 
        effet, si Farãbi décrit la musique comme un outil de connaissance 
        dont la valeur est jugée suspecte lorsquelle se noie dans 
        la sphère sensible, Platon distingue également deux tendances 
        antagonistes quil qualifie de dionysiaque et apollinienne. La première 
        liée aux sens nest quun processus décadent conduisant 
        à la perte déquilibre alors que la seconde, est objective, 
        garante de lordre et conduit irrémédiablement au vrai 
        donc au beau. Les deux philosophes se rejoignent donc pour affirmer que 
        si la raison est linstrument le plus apte à saisir lordre 
        intelligible de l'univers (le divin), elle est également la seule 
        capable de traduire lexistence dun beau objectif dénué 
        de toute revendication sentimentaliste. Ainsi, la musique bonne pour l'âme 
        est simple et sobre, caractérisée par des genres qui reposent 
        sur des règles claires, des rythmes réguliers, des harmonies 
        ou systèmes de gammes basés sur des intervalles nettement 
        définis selon un rapport mathématique précis. Le 
        principal problème de cette conception cest quen posant 
        comme objectifs les critères du jugement esthétique, elle 
        crée également sa propre limite et entérine par-là 
        même toute idée dévolution. Cest dailleurs 
        ce que During remarque lorsquil ajoute que « la perfection 
        étant notamment conditionnée par léquilibre, 
        il sensuit théoriquement, quune fois parvenue à 
        ce point, la musique ne peut plus progresser ou changer quau risque 
        de rompre cet équilibre ».  
         
        2.2 Vers une autonomie du sujet 
         
         
        Le principal problème auquel sest trouvé confrontée 
        lesthétique du sentiment naissante a été son 
        assimilation au divertissement et à lattitude libertine, 
        la musique étant dès lors suspectée de corrompre 
        lâme. En favorisant lexacerbation des sens elle instaure 
        en effet une idéologie du désordre et séloigne 
        ainsi de la perfection divine. Peu à peu cependant, cette réticence 
        va se faire plus rare, et la nouvelle idéologie va gagner la faveur 
        dun nombre toujours croissant de musiciens qui soucieux de revaloriser 
        la sphère du sensible et délaborer une esthétique 
        singulière vont dépasser les limites imposées par 
        la tradition. La sensibilité étant liée au sujet, 
        la modernité sera donc redevable de lépanouissement 
        de lindividu en tant que cellule autonome, rendant ainsi possible 
        « le caractère subjectif des critères esthétiques 
        » et lélaboration du jugement de goût. During 
        cite à titre dexemple les propos tenus par le prince musicien 
        Ibrahim al-Mahdi qui après avoir transformé à sa 
        guise des mélodies de répertoire ancien déclara « 
        Je chante pour moi, non pour les autres ». Cette remarque loin dêtre 
        anodine soulève la problématique du sens puisquen 
        rejetant lidée du modèle elle favorise le glissement 
        dune musique de reproduction vers une musique dinvention, 
        au fond vers une musique dont le sens réside dans la subjectivité 
        du créateur. Cest donc en toute logique que ce repli de luvre 
        sur elle-même favorisera peu à peu le développement 
        de la musique instrumentale qui prendra ses distances par rapport au verbe, 
        cherchant la capacité dénonciation non plus à 
        travers le sens du mot mais à travers sa propre forme. Affranchi 
        de lobjectivité scientifique, la musique peut enfin exprimer 
        lhomme, se construisant à travers lart de linterprétation 
        et saffirmant comme un vécu. Il est frappant de constater 
        ici les similitudes historiques entre la tradition iranienne et la tradition 
        occidentale, ce qui conduira dailleurs During à remarquer 
        que « la musique suit le même type dévolution 
        qui caractérise le passage du classicisme occidental au romantisme 
        ». Outre les allusions à Platon que nous avons déjà 
        évoqué précédemment lorsque nous parlions 
        du point de vue des anciens, il faut noter que la conception Rousseauiste 
        qui se caractérise par lesthétique de la sensibilité 
        est très proche du point de vue des « modernes » que 
        nous venons de décrire. Ainsi, ces changements majeurs opérés 
        à la fois dans la conception et dans la pratique musicale aboutissent 
        à une revalorisation du statut du musicien en tant que sujet, qui 
        saffranchit peu à peu de la cour pour conquérir son 
        indépendance. Dun statut de professionnel au service du prince, 
        on passe à celui damateur éclairé qui uvre 
        pour son propre compte et qui de par sa liberté favorise lidée 
        dinvention au détriment de celle de reproduction. Avant cette 
        période, la problématique posée à lartisan 
        semblait en effet bien différente : Puisque la tradition était 
        un critère dauthenticité absolu et que le modèle 
        était lexpression sensible de cette même tradition 
        alors le modèle en lui-même devenait hors du temps et se 
        devait dêtre reproduit. Ces considérations disparaissent 
        avec lapparition de la modernité puisque le beau ne se veut 
        plus la représentation dun vrai immuable mais bien le reflet 
        dune subjectivité évoluant sans cesse. 
         
        Cette conception conduira dailleurs à instaurer un nouveau 
        type de musique traditionnelle qui culminera à travers le genre 
        appelé Radif. Sans entrer ici dans les détails, précisons 
        juste que le Radif dont le terme signifie littéralement « 
        série », regroupe lensemble de la tradition perpétuée 
        de maître à disciple et se caractérise par une classification 
        de mélodies et de modes anciens que lon se doit de jouer 
        dans un certain ordre. Cependant, bien que la liberté artistique 
        soit soumise aux lois du mode et que le principal rôle assigné 
        au musicien soit dexprimer le mieux possible les sentiments de ce 
        même mode, le Radif ouvre dans une certaine mesure la voie à 
        limprovisation. Ainsi, « au lieu dun répertoire 
        unique, chaque musicien est tenu dinterpréter le modèle 
        à sa manière » valorisant dans une large mesure linterprétation. 
         
         
        Linstitution du Radif en tant que « nouvelle » tradition 
        et la revalorisation de lindividu explosant dans limprovisation 
        posent une nouvelle fois les limites du terme traditionnel. Ainsi, bousculé 
        par tant de remises en question et peu à peu sapé par les 
        influences extérieures, le concept de « traditionnel » 
        vacille et mute en celui d « authentique » jugé 
        moins connoté puisquil sous-entend une prise en considération 
        du sujet et de son interprétation de la tradition. Cette authenticité 
        du sujet, se traduit par une nouvelle forme dhonnêteté, 
        par une attitude qui redéfinit cette même authenticité 
        « comme adhésion à soi-même et non plus comme 
        soumission et conformité à une norme ».  
       
      3 La modernité 
        est-elle moderne ? 
      3.1 Le vingtième 
        siècle  
       Le vingtième 
        siècle amène avec lui une nouvelle forme de modernité 
        qui sempare peu à peu de tous les secteurs de la société. 
        Les facteurs ayant favorisé ce changement sont probablement multiples 
        mais il semble aujourdhui évident que linfluence technologique 
        et politique de lOccident ny est pas étrangère. 
        Ainsi, les nouveaux moyens de communication qui permettent par lintermédiaire 
        du disque de diffuser à grande échelle tout type de musique 
        ont provoqué la démocratisation du goût en favorisant 
        larrivée de musiques extérieures et en brisant les 
        cercles des experts. La musique nest plus comme par le passé 
        outil de connaissance que seuls quelques professionnels sont à 
        même de juger, mais plutôt outil de divertissement dont les 
        critères de jugement et dexcellence sont laissés à 
        lappréciation du plus grand nombre. Sensuivra logiquement 
        la naissance dune esthétique du goût explosant dans 
        un sentimentalisme à outrance privilégiant la simplicité 
        formelle, « les détenteurs de la grande tradition » 
        ayant « délibérément sacrifié lart 
        classique pour toucher la grande masse ». Ainsi, aux alentours des 
        années 40, la musique occidentale déferle sur lIran, 
        favorisant lexplosion du style de variété Motrebi 
        et le mélange des genres au détriment de la musique dart 
        traditionnelle qui amorce un net recul. 
         
        Il faut cependant noter que depuis la révolution islamique de 1979 
        menée par layatollah Khomeini, sest opérée 
        une tentative de revalorisation de la tradition transportée par 
        un protectionnisme anti-occidental parfois violent. Ainsi, dans sa volonté 
        de retour aux sources de lislam, la révolution et ses antécédents 
        ont finalement favorisé la régulation voire linterdiction 
        des genres décadents de la motrebi tout en revalorisant le statut 
        de lartiste traditionnel. Mais de quelle tradition parle-ton 
        ? 
         
        3.2 La modernité est-elle 
        moderne ? 
      En opérant 
        un retour sur le sujet et en favorisant lesthétique du goût, 
        nous sommes en droit dinterroger cette modernité qui peut 
        nous sembler très proche dune forme orientaliste du romantisme 
        rousseauiste. Il semble en effet quun des principaux vecteurs de 
        la modernité iranienne soit lexpression dune musique 
        teintée de sentimentalisme et dexpressivité, naboutissant 
        pas comme il a parfois été le cas en occident à un 
        phénomène de « négation de toute expression 
        » et « dévacuation du sujet ». Au contraire, 
        elle semble renforcer ce sujet, lui permettant de saffirmer à 
        travers une authenticité qui lui est propre. 
         
        Ainsi, During pose la question qui sous-tend la problématique principale 
        du texte à savoir, la modernité iranienne qui culmine finalement 
        à travers « la valorisation de linvention », 
        est-elle réellement moderne ou nest-elle « quune 
        phase, un aspect dun processus toujours attesté de décadence, 
        inhérent à toute pratique culturelle, et qui serait la condition 
        même de la rénovation » ? 
         
        Cette question qui dépasse de loin le cadre de lesthétique 
        sinterroge sur la notion même de modernité prise en 
        tant que phénomène global et de laveu des modernes 
        occidentaux en tant que phénomène irréversible. En 
        occident, en effet, lidée de modernité est liée 
        à un phénomène touchant toutes les sphères 
        du social qui sinscrit dans une volonté de rupture totale 
        et inconditionnelle avec le passé. Coïncidant avec les revendications 
        dune société laïque, elle se caractérise 
        dune part par le rejet de la métaphysique traditionnelle 
        et dautre part par laffirmation de lindividu en tant 
        que maître de son propre destin. En Iran cependant, cette idée 
        de rejet de la tradition ne semble pas avoir été aussi radicale 
        quen occident. Il semblerait même que chaque époque 
        parle de sa propre corruption de la musique et sous-entende par-là 
        même une coexistence dans un même espace temps des formes 
        modernes et traditionnelles. 
         
        Faut-il donc en déduire que la modernité iranienne est différente 
        de la modernité occidentale, ce qui en soi affaiblirait le concept 
        de modernité tel que nous le percevons ou bien faut-il admettre 
        que la modernité iranienne na pas été au bout 
        de son concept ? 
         
        Si répondre à cette question peut sembler pour le moins 
        délicat, Il importe cependant douvrir une brèche en 
        constatant que notre modernité, comme tout phénomène 
        lié aux hommes na pas surgie du néant. En ce sens, 
        et ce malgré son apparente rupture, elle se doit dêtre 
        aujourdhui démystifiée, pouvant être perçue 
        comme une tranche dhistoire sinscrivant largement dans la 
        tradition occidentale du progrès de la nécessité 
        historique Hégélienne
 - Amen!  
      Cette courte 
        étude de la modernité iranienne aura montré que toutes 
        ces musiques « traditionnelles » que lon a pour habitude 
        dimaginer figées et accrochées à leurs symboles 
        évoluent et connaissent également des ruptures. Comment 
        ne pas penser dès lors que toute tradition repose moins sur un 
        principe permanent que sur une construction, une succession dinterprétations 
        et de remises en question, sur un concept flou que les êtres humains 
        sattachent à solidifier par peur du vide.  
         
        Quant à la modernité, loin dêtre aussi radicale 
        et irréversible quelle ny paraît, elle semble 
        finalement correspondre à une de ces tranches dhistoire dont 
        le concept vacille tant et si bien quil semble aujourdhui 
        de plus en plus difficile de différencier ce qui est nouveau de 
        ce qui est traditionnel. Cest donc en toute logique que, débarrassée 
        de cet antagonisme entre lancien et le nouveau, apparaît lattitude 
        postmoderne qui reformule le passé et le présent pour ladapter 
        au sujet. Alors peut-être quau fond, il ny aurait rien 
        de radicalement nouveau sinon le fait de discourir sur la question
 
       
        Khrystell E. Burlin 
        Paris - 2001 
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